Zappé par hasard, image : c’est du quasi singe qui clopine en horde à flanc de coteau en tenue à poil d’oripeau bestial sur fond d’horizon genre ça va péter boum dans les nimbus. Ouahou ça promet. C’est sur France 3. Titre : Homo Sapiens. Programme ton neurone sur méga saga, odyssée d’espèce, vues sur des débuts qu’étaient très avant, avec du considéré en surimpression, un peu de morale sur sens des grandeurs dès les démarrages et de l’aperçu sur des embryons de métaphysique malgré que la peur, le poil, la griffe et la grogne.
Comme genre : mi docufiction, mi télé-réalité. Mais l’intrigue est mince et le loft pue fort car la carne crame au fond de la grotte et la meuf sapiens c’est pas Loana question culotte courte et les transparences sur du silicone. Côté docu : docu la praline, car ça simplifie à fond, vu l’allure. Vingt, vingt-cinq mille ans en surcompressé (une heure tout cassé), faut faire synthé-flash et petites figures serties en vignettes pour qu’on se les cale dans la comprenette.
Donc le mec du temps : mal sapé, pouilleux, avec du pataud (souvenir récent d’àquatrepatté ?) dans la dégaine, un peu d’embrouillé dans l’articulé et le ricané caoutchouté, sans compter l’effet ratelier ruiné surindiqué. Sauvage, donc. Sauvage mais pas con. Action : primo cueille myrtille, taquine le goujon, chasse en troupe mammouth (5 minutes). Puis, hop : la culture (10 minutes, car l’homo ça fonce). On pose sa hutte, on cochonne nature, on éduque le pois, la ronce est vaincue, le blé en couveuse, le loup devient clebs et sous peu su-sucre au bout de la truffe il donne la papatte au seigneur du monde en jogging Nike blanc 20 000 ans après sur son canapé en cuir de bovidé.
Chapeau, l’homo !
Plus fort. Trouve en un quart d’heure tous les trucs fortiches qui collent à nos doigts de fils de l’homo : dont la religion, l’art et la peinture. L’Abbé Breuil, Bataille et Leroi-Gourhan, qu’ils aillent rhabiller leurs divagations, tifs coupés en quatre et tonnes de bouquins où on comprend couic. Télé te dit tout sur tout en rapide et sans enculer la mouche compliquée :
1/Qu’est-ce que la religion ? : sous la direction d’un tambour-major dénommé chaman avec effet sioux de peinturlure sur la figure, dix benêts en nippes cuir-gras-peau-mitée d’SDF d’hiver et assis en rond autour d’un cadavre s’appliquent à courbettes, grimaces, yeux qui roulent dans les cavités extasiées et petits glapis en hystérie vers des au-dessus en forme de bête car vie s’envola vers là où ça est (mais on la voit pas même si on devine à cause des plumes) avec le nom d’âme. On saute des siècles et, si on saisit l’articulation, voici en tons bleu pâlot essentiel un prédicateur télévangéliste en bottes de cow-boy qu’exalte les foules contre le Malin au son du tambourin.
2/Qu’est-ce que l’art ? : un loustic très saoul en casquette de poil gesticule en joie devant la flambée et sa gestuelle dessine sur le mur du qui sert à rien mais quand même on voit s’y intéresser six péquenots d’époque en génuflexion car voici qu’en eux c’est l’idée du Beau qui fit son entrée. D’où progrès. Ou autre version de pas de géant vers l’humanité : un bout de caillou pointu qui dérape par des distractions sur os de mammouth et c’est un dessin : tiens ça fait joli ! si on en faisait bijou pour Madame avec des bisous pour accompagner ?
3/Qu’est-ce que la peinture ? : une barbouille en transe sous effet de philtres et fumigations pour calquer des ombres en forme de vaches car c’est Big Brother alias Grand-Esprit qui a fait ces taches avec sa lanterne au fond du clapier où on pèle de trouille et on singe le truc à toutes fins utiles par instinct chasseur. Puis, vite, c’est Platon qui cause à ces ombres. Bientôt sort Joconde dans le sfumato comme le bon génie du cul de la lampe. LHOOQ, ça excite Pollock et vlà qu’il salope les draps du ménage d’un dégoulinis de boîte percée, tu vois où ça mène.
En bref, on s’instruit.
Puis du temps passa, en vrai comme en télé. L’homo fonça. Et ce fut Shoah. Là, chapeau bas. T’avais vu avant donc tu obliquas vers feuilleton US de mêmes horreurs. Le titre : Holocauste. Tout y fut des fastes hollywood standard : amour, gloire, beauté et bouts de western dans des forêts slaves parmi figurants en pyjamas propres rayés bleu et blanc mais en pilou chaud. Et l’acteur, même maigre, il fait déporté obèse bien portant car on vit avant par exemple Resnais et on eut le cœur bloqué dans sa cage. Quoi voir là-dedans et comment apprendre et comment comprendre ? Rien à faire sauf faire que soit la pensée en exorbité devant l’innommable donc zéro image : retour à Shoah.
Vu à la télévision L’homo, ça fonce
mars 2005 | Le Matricule des Anges n°61
| par
Christian Prigent
L’homo, ça fonce
Par
Christian Prigent
Le Matricule des Anges n°61
, mars 2005.