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Poésie Deux vies minuscules

janvier 2005 | Le Matricule des Anges n°59 | par Emmanuel Laugier

Dans une tension sans relâche, « Choro » d’Emmanuel Tugny approche la vie ravagée de deux jeunes filles, leur inventant la parole qui les eut sauvées face à Dieu.

Emmanuel Tugny, trentenaire passé, est un poète d’une rare discrétion. On s’étonnerait presque du nombre de livres qu’il a publiés depuis moins de dix ans, d’abord chez Carte Blanche, aux côtés de Christian Prigent ou Maurice Roche, Dezeuze, etc., puis à La Part commune. Choro, son septième opus, entame, nous précise la quatrième de couverture, un « cycle épique en trois volets », à partir de l’assassinat, en 1632, du père jésuite Juliano Garcia par deux petites sœurs du couvent brésilien de Sao Pedro de Solís dont il abusait. Anne et Claire, qui chercheront à dissimuler le corps de ce pauvre père, seront rattrapées. Anne se défenestrera. Claire sera jugée et étranglée. Deux vies vers quoi l’infâme se retourne, aurait dit Michel Foucault. Mais Choro, qui est loin d’être un livre fasciné par le fait divers, n’expose pas aussi abruptement la vie de ces deux sœurs, sauf, littéralement, en quatrième de couverture. Pourquoi ? Parce qu’à cette histoire, digne du Pierre Rivière de Foucault, si du moins un plaidoyer leur avait été permis, Emmanuel Tugny donne justement une généalogie, mais sans insister, ni même se focaliser sur les gestes du jésuite.
C’est toute la finesse du livre. Il rend plutôt la parole à ces deux sœurs, par de petites proses serrées, rapides, nerveuses, parfois réduites à une seule ligne. Il rétrocède moins le désir d’un jugement, ni même ne réclame justice, mais cherche plutôt à inventer une fiction capable de se retourner comme un gant pour aspirer l’événement qui condamna ces deux vies et le réduire à rien, à rien sinon à toute la masse de mémoires qui constitue, depuis leur naissance, leur vie à chacune. C’est une démarche forte, politique, au sens le plus profond, parce que la ligne serpentine de vies anonymes est rendue à elle-même : une trame, des fils, des tissus plus complexes que le seul acte pour lequel on ira juger ces deux pauvres sœurs. D’un « on est les deux tout en levier sur le père en tunique » à « Le couteau, dit Claire, est encore dans la nuque », on passe par l’énigmatique et flottante « La nuit est en mille points comme le mur et mangé par un contrefort de cœur rouge lancé très en avant dans la mer alors qu’on a peut-être une mouette ou deux & la tête lourde entre les épaules/ tourne et retourne un rêve… » Ou encore par ceci, d’un hermétisme quasi celanien : « la soupe orange de maïs bougeant doucement laiteux les lignes lait du noir ». Ces proses, aux rythmes nerveusement rentrés, les phrases de Tugny les font tourner comme la rage dans ses sœurs. Et tourne ainsi le juste écho des mots face au mal. Choro, nous n’avons rien dit de ce mot étrange, renvoie peut-être au grec xoros, qui signifie et fait référence à la descendance donnée par une femme (ses enfants) ; mais s’y entend aussi le « rejeton, d’une plante par exemple », et plus tard donne tout le prisme d’un vocabulaire lié à l’idée de jeune fille. Ses trois sens sont dans Choro, ils vont parfaitement au livre ; et appellent superbement ses lignes de fuites.

Choro
Emmanuel Tugny
Le Mot et le reste
(35, traverse de Carthage 13008 Marseille)
150 pages, 12

Deux vies minuscules Par Emmanuel Laugier
Le Matricule des Anges n°59 , janvier 2005.
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