Une jeune femme se meurt d’un cancer. Au seuil de disparaître, elle attend l’amour de sa vie, qu’elle n’a pas vu depuis vingt ans. Elle se remémore l’histoire de cette passion impossible en s’adressant à l’absent. Laure est d’abord une enfant de 8 ans qui tombe amoureuse de son cousin Lucas. Grande maison en campagne, torrent, des rires et du soleil : l’éclat de la jeunesse repousse loin les ombres qui guettent. La mère de Laure, pourtant, porte au cœur une souffrance dont elle se débarrassera en se tuant. Laure est élevée avec Lucas par sa tante et sa maîtresse. Les pères manquent à l’appel. Cet amour, qu’évoque le roman, accepte d’emblée l’érotisme du désir, quand bien même celui-ci émane d’une gamine. Isabelle Desesquelles n’a pas peur des sentiments enflammés. Avec une sorte de naïveté retrouvée, elle décrit ce bonheur sans craindre le pathos : « En montant au ciel, nos cris de joie mêlés ont vibré dans l’infini. » Le roman fait remonter à sa surface la naissance du désir avec une fraîche innocence. Toujours à la limite de trop en faire, l’auteur (qui dirige la librairie Privat à Toulouse) suit le fil de la tragédie. Le lecteur devine vite à quel impossible cet amour enfantin se fracassera. Pour autant, la générosité de cette écriture, cet entêtement à croire encore à la romance, surprend et convainc. C’est que derrière le crépuscule éblouissant du romantisme se fait entendre parfois une musique intime aux notes justes.
Je me souviens de tout d’Isabelle Desesquelles
Julliard, 162 pages, 14 €
Domaine français Les Femmes de Rimbaud
octobre 2004 | Le Matricule des Anges n°57
| par
Thierry Guichard
Un livre
Par
Thierry Guichard
Le Matricule des Anges n°57
, octobre 2004.