A peine sortis des cartons les livres des bibliothèques ont investi chaque pièce de la maison sans pour autant se montrer envahissants. Première constatation : les revues imposent leur présence massive, preuve s’il en était besoin de l’importance de ce mode de publication pour une littérature d’idées, d’avant-garde ou marquée du sceau du modernisme. D’abord Tel Quel aligne la quasi totalité de ses numéros avec notamment les bulletins du mouvement de juin 71 que notre hôte nous montre avec une fierté amusée. À côté, parmi les défuntes, saluons Change et Promesse ainsi que la bien-portante Java dont le directeur de publication, Jean-Michel Espitallier a commandé à Prigent le livre sur Berlin qui sort aujourd’hui chez Zulma (Berlin, deux temps trois mouvements). Coup d’œil rapide sur la couverture du N°10 de Confluences qui aligne notamment les noms de Soupault, Prévert, Caillois, Duras, Vailland, Blin : « Ça fait partie des revues de la Résistance qui me viennent de la bibliothèque de mon père ».
Étagère suivante, profils des poètes, c’est la collection Gallimard/Poésie qui prend ses aises. Allongé dessus, bizarrement, La Crue de Lucette Finas.
Dans la même pièce (celle à la cheminée), bibliothèque d’art où l’on trouve également la collection de TXT reliée noire (fait à Rome, à côté de la Villa Médicis) mais aussi quelques numéros de La Tour de feu. Dans la chambre, proches du lit, les étagères ne surprendront pas les lecteurs des essais de Prigent. Bien rangés en ordre de combat voici Artaud (imposant), Bataille (impressionnant), Beckett (non, absent : resté dans un carton), Cadiot, Céline, Derrida, Guyotat, Heidegger, Jarry, Lucot, Queneau, Réage (Histoire d’O), etc. Christian Prigent attrape la couverture rose d’un « livre carnavalesque écrit par un vieux monsieur de 70 ans » : Maurice Fourré. Son La Nuit du Rose-Hôtel a tant plu à André Breton que le surréaliste a créé la collection Révélation chez Gallimard pour ne publier que lui. On continue l’alphabet, juste histoire de faire cohabiter Sollers et Verheggen. Sur l’autre mur, pas vraiment des livres mais les manuscrits de l’auteur et des dossiers. À côté, beaucoup de revues encore et la bibliothèque de psychanalyse, de sciences humaines et… de livrets politiques : voici Une étincelle peut mettre le feu à toute la planète de Mao Tsé-Toung aux éditions de Pékin. À côté, la littérature étrangère : zapping rapide sur Burroughs, Cummings, Faulkner, Gadda et Ginsberg. Fin de la visite. Une bière, ouf !
Dossier
Christian Prigent
Revue de bibliothèques
octobre 1999 | Le Matricule des Anges n°28
| par
Thierry Guichard