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Théâtre A propos d’Angie (lettre de Joël Jouanneau)

mai 1999 | Le Matricule des Anges n°26

Quelques jours après notre rencontre, Joël Jouanneau nous écrivait car il lui semblait avoir esquivé la réponse sur comédie et tragédie.

Il se trouve que je l’esquive toujours. Répondre pose la question non moins complexe de la véritable obscénité, de la fragilité de la dénonciation pudeur/impudeur. Mais au Matricule des Anges, je me devais de lever une part de cette énigme qu’est Angie.
Ce qui sépare pour moi la tragédie que fût ma première pièce des comédies qui ont suivi tiendrait en une simple feuille de cigarette. C’est donc peu et beaucoup. Dans Nuit d’orage sur Gaza, la tragédie, un combat mortel opposait, dans un lieu en ruines, Léo à Marie. En prologue, au crépuscule, l’homme se tranchait la gorge, mais à l’aube de cette nuit orageuse et mentale, c’est la femme que l’on retrouvait étranglée. Le meurtre d’Hélène par le philosophe Louis Althusser en 1980, m’avait, il est vrai, bouleversé, comme beaucoup de ma génération, mais je voulais également, dans cette pièce, parler de la cravate que j’avais dû nouer sur la gorge de ma propre féminité. Léo et Marie n’étaient donc pour moi, le temps de l’écriture, qu’un seul et même personnage. Dans Les Dingues de Knoxville, ma dernière comédie, un autre combat oppose cette fois deux frères, Angie et Morty, tous deux enfants trouvés, orphelins disons, le second étant visiblement le souffre-douleur du premier, mais là encore, ces deux-là pour moi ne font qu’un. Cette forme aiguë de dédoublement dans l’écriture trouve son origine dans ma biographie et ce qui fut, à onze ans, mon petit déluge personnel. J’ai alors vécu deux longues années comme une seule et même nuit absolue. Loin du père et de la mère. Et c’est dans cette nuit-là que je me suis séparé, je ne trouve pas d’autre mot. Un enfant est mort au cours de ce déluge, appelons-le Morty, qui devait penser que le monde serait à l’image de ce jardin d’Eden que fût la cour de sa ferme ; un autre est né, appelons-le Angie, qui le regardait du dehors, attendant que ça se passe, plus froid probablement, insensible presque, moins ludique assurément. Ce fut une seconde naissance. La vraie pour moi. « Le jour de sa mort, Dieu me mît au monde, et mon landau était un lit-cage, un lit à barreaux », souligne Angie. Ma sensibilité (celle que j’avais alors cravatée, histoire de me tenir debout), il me semble l’avoir retrouvée, mais l’enfant-mort, non, et, de fait, c’est toujours Angie, le survivant, qui écrit. De fait, depuis Nuit d’orage sur Gaza, au travers du Bourrichon, d’Allegria opus 147, et des Dingues de Knoxville, je tente de retrouver Morty, le pitre, le ludion, celui que j’ai laissé sous l’avalanche et dont j’entends le rire. Avec mon stylo-piolet, je pars chaque fois à sa recherche, mais c’est toujours l’enfant-mort que je retrouve. La tragédie, ce fût donc la séparation. Les comédies, les tentatives d’y remédier. La vanité des tentatives."

Joël Jouanneau

A propos d’Angie (lettre de Joël Jouanneau)
Le Matricule des Anges n°26 , mai 1999.