Yoshi Oida commence sa carrière d’acteur il y a près de cinquante ans au Japon. Il y étudie le nô, le kabuki, joue parallèlement dans des pièces d’inspiration occidentale et s’engage dans un travail de recherche avec l’écrivain Yukio Mishima. Sa rencontre avec Peter Brook le détermine à quitter le Japon pour l’Europe. Une longue collaboration s’ensuit avec de nombreux spectacles dont Le Mahabharata, La Conférence des oiseaux, L’Homme qui… L’acteur mêle ses racines orientales et un jeu plus occidental, qui cherche à mettre en œuvre des émotions profondes. C’est peut-être ce mélange, cette croisée des chemins artistiques qui rend la présence de Yoshi Oida sur scène tellement étonnante. Son jeu semble très simple, pourtant la connexion avec le public est d’une rare densité. Cette simplicité est le fruit d’un long travail, d’une recherche précise et exigeante visant à faire disparaître l’acteur.
« Je pense que le travail de l’acteur ou de l’actrice n’est pas de montrer ce qu’il peut faire mais de transporter le public dans un temps et un espace autres. Un lieu que le public n’a pas l’occasion de connaître dans la vie quotidienne. L’acteur est comme le conducteur de la voiture qui fait voyager le public vers un ailleurs, un ailleurs extraordinaire. »
« L’espace vide du théâtre existe à l’intérieur de l’acteur tout autant que sur le plateau. C’est ce qui permet au spectateur de projeter son propre imaginaire. »
L’Acteur invisible, qui suit L’Acteur flottant est un témoignage précieux. Ce livre redonne au théâtre sa nécessité.
Yoshi Oida explique sa démarche très simplement, par des histoires de maîtres nô, de samouraï, des exercices, des réflexions, des témoignages sur sa propre expérience. Sa recherche est axée sur des choses très basiques, par exemple la connaissance de la géographie réelle de son corps ou la maîtrise de sa respiration. Savoir à quel moment inspirer, à quel moment expirer et quand cesser de respirer. De l’ensemble naît un rythme biologique, fondamental qui scande toute pièce, tout acte et même toute phrase d’une pièce. Le théâtre tel que le pratique Yoshi Oida induit une certaine sagesse ou, pour Georges Banu qui postface ce livre, une éthique, qui peut s’appliquer à chaque moment de la vie quotidienne. Par une énergie plus juste, une disponibilité plus grande, l’acteur touche alors à l’invisible.
« Chaque aspect du théâtre doit viser le rare et l’unique… »
« Quand on joue, le but n’est pas de montrer le « personnage » que l’on joue. Au-delà du personnage existe un être humain plus fondamental, et c’est cet « être humain fondamental » qui donne vie à la scène… »
Yoshi Oida transmet le tout avec une belle humilité : « Tous les livres et les cours sont des cartes du passé de quelqu’un d’autre. Vous pouvez les absorber à toutes fins utiles, mais gardez toujours à l’esprit que votre propre chemin sera différent et que c’est ce chemin personnel que vous devez suivre… En fait si l’on croit chaque mot lu, il vaut mieux ne pas lire du tout. »
Dans le cas présent, mieux vaut lire et prendre le temps de méditer !
L’Acteur invisible
Yoshi Oida
et Lorna Marshall
Traduit par Isabelle Famchon
Actes Sud
180 pages, 108 FF
Théâtre La fleur de l’acteur
janvier 1999 | Le Matricule des Anges n°25
| par
Laurence Cazaux
Dans le zen, chacun possède à sa naissance une « graine » susceptible de devenir « fleur » de la divinité. Avec Oida, cette fleur s’appelle le théâtre.
Un livre
La fleur de l’acteur
Par
Laurence Cazaux
Le Matricule des Anges n°25
, janvier 1999.