Entre raison asséchante et folie dévastatrice, le nouveau roman d’Hubert Haddad ne choisit pas. L’auteur, lui, en appelle à l’imaginaire et à la poésie.
Un héros capable d’entendre parler son frère mort et incapable de différencier, dans sa vie, ce qui est songe de ce qui est réalité. Une jeune Suédoise, perdue au sein d’une secte pour avoir voulu échapper au rêve fou de son père. Ce dernier, richissime industriel qui commerce avec la mort (il vend des machines d’abattage pour animaux) et organise une expédition sur le toit du monde pour retrouver le corps de sa femme disparue et tenter de la ramener à la vie. Un professeur de philosophie qui enseigne Descartes comme on se range des révoltes passées, comme on tente d’oublier Lautréamont, etc.… Le nouveau roman d’Hubert Haddad rassemble ces personnages hétéroclites, tous menacés du gouffre, et les entraîne au sommet de l’Himalaya, dans une quête de soi-même. Dans cette histoire d’aventure, aux accents dictés par le deuil de toute pensée, Hubert Haddad accorde le monde au néant qui habite ses personnages en quête de sens. Au final, on se dit que l’expédition sur le toit du monde est l’anti-arche de Noë. Ce n’est pas le monde qu’on sauve, c’est l’homme qu’on perd.
Hubert Haddad, avec La Condition magique, n’avez-vous pas chercher à écrire un roman fin de siècle ?Il y a cette inquiétude fin de siècle. C’est ça qui m’a troublé dans ma vie, et autour de moi. Je vais beaucoup dans les facultés et j’ai rencontré plein de gens au bord du néant et en appel du tout autre. Quand on est en face de ça, en appel d’autre chose, il est bien évident qu’on est devant la mort, qu’on est en danger. Il y a cette inquiétude métaphysique. Même quand on cherche à formuler du positif, avec des ethnologues, des sociologues, ce positif est basé sur du néant. On a vu comme ça des intellectuels disparaître. L’un se jette par une fenêtre, l’autre se fait renverser par une voiture. C’est comme si on était dans un monde en faïence qui s’effrite.Les sectes prennent un pouvoir énorme face au peu de réalité du monde. Dans le roman, je ne condamne pas les sectes mais je montre comment elles sont constituées de fictions grossières.Par exemple, Ron Hubbard était une espèce de fumiste qui a voulu faire du fric. C’était un écrivain qui a vu le pouvoir qu’il avait. Ça montre que si, nous écrivains, nous n’avons pas de réflexion, nous tomberons dans le tout-à-l’égout idéologique.Le roman évoque la figure de Descartes dont on pourrait penser qu’il symbolise une force de réflexion contre les dérives ésotériques. Or, vous ne semblez pas donner au philosophe ce rôle de lumière…Descartes, c’est passionnant pour un romancier. Je me suis passionné pour lui au point que je voulais écrire une pièce de théâtre sur le Descartes baroque qui a fait construire un automate à l’image de sa fille disparue.Quand on connaît le baroque de cette époque et qu’on rapproche le mécanisme cartésien avec la mécanique du monde d’un côté et...
Entretiens Un monde sans âme
novembre 1997 | Le Matricule des Anges n°21
| par
Thierry Guichard
Un auteur
Un livre