On serait tenté ici de s’en tenir au célèbre conseil de La Bruyère et dire de ce premier volume (qui n’est pas un roman) d’Olivier Devers : « Voilà un bon livre. » On éviterait ainsi de scribouiller des gloses prétentieuses pour éluder la complexité du texte ; on préserverait même le plaisir du lecteur en lui laissant le soin de tout découvrir…
Un tel laconisme nuirait cependant à Un Sang d’encre. Ce serait oublier de reconnaître qu’il s’agit aussi d’un beau livre, estampillé de deux illustrations de Daniel Dezeuze : quelques lignes blanches ou légèrement grisées qui tissent un inquiétant maillage sur un fond uniformément noir. Mais ce serait surtout en dire trop peu sur le texte lui-même -prélude d’une œuvre à venir, ainsi que le suggère la collection Prodromes qui l’accueille.
Un Sang d’encre interroge l’écriture, tente de s’immiscer dans ses arcanes afin de cerner ce qu’elle est, ce qu’elle fait, produit, espère, attend, redoute, ou fuit. Chez Olivier Devers, l’acte d’écrire procède surtout de la volonté de décrire, décrire la nuit (son obscurité), et la page (sa transparence, sa blancheur). L’écriture devient ainsi un miroir que ce jeune auteur promène le long de sa propre vie pour en exprimer les ombres, les vides, les obsessions.
Comme le titre l’indique, avec une polysémie qui encourage à multiplier les perspectives (et celle de Jean-Jacques Viton, donnée en postface, ne les oblitère vraiment pas), Olivier Devers tente d’en découdre avec ses inquiétudes, averti qu’il est que « tout ce qui devient mot n’est plus ». Suffirait-il seulement de « mettre en mots » pour éradiquer les peurs ? Suffirait-il que l’encre vienne à couvrir tout le blanc de la page pour dire à la fois le vide et le trop plein de la nuit ? Si ce premier livre peut-être considéré comme une belle réussite, la tentative de conjuration quant à elle s’avère être un échec : « Écrire est une impasse. » Il faudra donc recommencer. Et c’est tant mieux, surtout pour le lecteur : d’autres textes viendront.
Un Sang d’encre
Olivier Devers
Carte Blanche
5 rue du Montcel, 95430 Auvers-sur-Oise
30 pages, 50 FF
Premiers romans Voix sans issure
décembre 1996 | Le Matricule des Anges n°18
| par
Didier Garcia
Un livre
Voix sans issure
Par
Didier Garcia
Le Matricule des Anges n°18
, décembre 1996.