Le livre s’ouvre et se referme sur la même scène, sorte de plan-séquence où l’on voit un professeur de lettres, la quarantaine forcément, attendant au bord de la Loire, l’étudiante, jeune et jolie forcément, qui lui a confié ses textes et à qui il a donné rendez-vous un matin de mars avant de commencer ses cours. L’homme, plongé dans ses pensées, s’assied sur un banc, se lève, fait quelques pas, puis se rassied jusqu’à ce que la jeune fille arrive. Scénario un peu mince et on ne peut plus banal ! Mais il ne s’agit pas d’un court métrage et la force de ce récit tient justement dans le fait qu’il ne repose sur rien (le professeur, la jeune fille : un prétexte), rien de plus qu’une rêverie au bord de l’eau à travers laquelle Jean-Paul Goux démonte subtilement « la mécanique » de l’eau vive et des rêves. Les pensées du professeur-narrateur s’ancrent sur un détail du paysage : l’inclinaison des saules, le tamis brumeux de leurs ramures, puis épousent le mouvement de l’eau, des nuages, dérivent et se perdent dans des souvenirs et des scénarios imaginaires où il parle et fait parler la jeune fille (de manière tout de même très convenue. Faiblesse de l’auteur ou second degré ?). De temps à autre, la conscience affleure et le professeur se moque de sa pente romantique qui l’entraîne à lire dans la nature des signes, des correspondances et à lui prêter ses propres sentiments. Ou bien encore, il s’interroge sur la mécanique de sa rêverie : « Est-ce qu’on sait, pourtant, comment on se parle à soi-même ? On n’y pense pas quand on le fait, et, dès qu’on y pense, on pense qu’on y pense et on s’écoute parler. J’ai pensé que ce qu’on pouvait faire, après coup, c’était tout au plus tenter de conserver le mouvement, l’allant et l’immobilité de ce qui se passait en soi, exactement comme ces nuages que je voyais au-dessus du fleuve. » Exactement comme ce récit que nous offre Jean-Paul Goux dont l’écriture devenue Loire lentement nous entraîne à la dérive. Un récit qui se déploie en pensées sucessives, comme les ondes qu
La Jeune Fille en bleu
Jean-Paul Goux
Champ vallon
112 pages, 80 FF
Domaine français Histoire d’eau
juin 1996 | Le Matricule des Anges n°16
| par
Hortense Lepic
Un livre
Histoire d’eau
Par
Hortense Lepic
Le Matricule des Anges n°16
, juin 1996.