Un livre

Papa

de Fumiko Hayashi

Editions Canoë

Sa bibliographie le montre très bien : la Japonaise Fumiko Hayashi vécut peu, entre 1903 et 1951, mais elle vécut beaucoup. Elle serait morte, d’ailleurs, de travailler trop… Si on ne la lit en français que depuis 2005, année de la publication de son plus fameux roman Nuages flottants (trad. Corinne Atlan, Le Rocher, 2005) – le réalisateur Mikio Naruse en a fait un film formidable en 1955 –, on la découvre dans des livres assez différents. Le plus récent en date est une nouvelle pour enfants, « La grenouille » (Pocket, 2023), genre auquel appartient le présent Papa, quand Vagabonde (trad. René de Ceccatty, Vendémiaire, 2022), récit autobiographique, illustrait la vie d’une jeune femme fauchée issue d’un milieu très pauvre. Cependant, on trouve dans Papa des préoccupations communes, notamment celle qui traverse tous les récits japonais de l’après-guerre, y compris la célèbre Tombe des lucioles d’Akiyuki Nosaka : se nourrir. Dans l’Empire vaincu, pour ne pas dire écrasé, il est difficile de manger à sa faim, et en particulier sur Nippon, l’île principale. La pénurie alimentaire est telle que le jeune héros, qui relate et se réjouit du retour de son père de l’armée, ne peut s’empêcher d’exprimer son désir alimentaire. « Je raffole des marmites de racines de bardane. » Offrir une soupe miso à la maison est un luxe dans certains milieux particulièrement éprouvés par la guerre et sans ressource car le chômage sévit, où les enfants errants sont légion. « On a pris le repas dans le salon. Le pain était délicieux, et dès la première bouchée on avait une impression de salive brûlante sur la langue. Avec une simple soupe de légumes, et des petites sardines grillées, ça fait un repas très roboratif. »
Avec beaucoup de pudeur, Papa est comme un Petit Prince réussi, c’est-à-dire, avec de la vraie chair, une véritable humanité, et cette âme d’enfant qui ne peut pas s’inventer. Dessine-moi un petit pain.

Éric Dussert

Papa
de Fumiko Hayashi
Traduit du japonais par René de Ceccatty
Éditions du Canoë, 121 pages, 12 €