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Essais Fin de séries ?

juin 2024 | Le Matricule des Anges n°254 | par Anthony Dufraisse

Nous surconsommons des séries qui consument nos vies, nous dit l’essai coup de poing du philosophe Bertrand Cochard.

Vide à la demande. Critique des séries

Le buffet est en libre accès, à volonté, jusqu’à la nausée, l’overdose rétinienne. Oh oui, l’emprise des séries sur nos vies s’est accentuée avec de plus en plus de force au cours de la dernière décennie. Maintenant, c’est partout, tout le temps, sur tous les écrans. On en parle entre nous et elles parlent de nous en tant que société occidentale. Tel est le constat premier de l’essai de Bertrand Cochard qui paraît dans l’excellente collection « Pour en finir avec » des éditions L’Échappée. À voir la réception enthousiaste dont jouit ce livre depuis sa sortie, on en déduit que son discours corrosif était plus qu’attendu : salutaire. Et de fait, dans une production éditoriale importante sur l’univers des séries, l’essai de cet agrégé et docteur en philosophie est l’un des tout meilleurs par la perspective large qu’il ouvre. Par large, comprenez à entrées multiples : tenter de penser la série, « objet idéologique de premier choix », « précipité d’idéologie » même, c’est pour lui traverser ou travailler d’autres notions, nécessairement : l’organisation sociale (soit notre rapport au travail et au temps libre), la construction de notre imaginaire, la dimension narrative de la culture par temps hypercapitaliste, l’économie de l’attention ou encore la matrice technologique dans laquelle nous évoluons désormais chaque jour. Toutes ces choses, « la forme-série » les articule et/ou les bouscule, nous dit Bertrand Cochard qui sait d’autant mieux de quoi il parle qu’il reconnaît volontiers être « un sériephile repenti ».
Son approche est à double détente. D’abord il entend contredire ou discuter dans le détail les thèses d’auteurs (Sandra Laugier, Tristan Garcia…) qui ont tendance à idéaliser les séries en les parant de bien trop de qualités, ici perçues comme de parfaits vecteurs d’émancipation politique, là comme un eldorado de la création contemporaine, entre autres. Cochard, non sans ironie piquante souvent, fait un sort à ces grilles de lecture survalorisantes. L’autre versant de son approche, c’est de se saisir conceptuellement de la série pour comprendre ce qu’elle dit de nos modes de vie (toujours plus hyperindividualistes, anxiogènes, marchandisés, data-profilés) et du régime d’historicité du XXIe siècle (faute de grand récit collectif partagé, nous nous rabattons, chacun devant son écran, sur des histoires à consommer pour oublier le vide et l’absurde de nos existences atomisées et aliénées). Il étaye sa réflexion sur des textes de Platon (l’allégorie de la caverne), Marx (la marchandise), Lyotard (la postmodernité), Sennett (la fragmentation du travail), Lipovetsky (la société du vide), Baudrillard (la consommation) ou Debord (le spectacle), auteur auquel il avait consacré son premier livre en 2021, et celui qui le nourrit le plus ici, manifestement. Preuve en est la conclusion de son analyse : comme miroir et soupape de sécurité de l’épuisant et potentiellement explosif monde actuel, la série est devenue un « archi-spectacle : archi, du grec archê, qui signifie le début, l’origine, le commencement, mais aussi le fondement. Un archi-spectacle, donc, car le spectacle se fonde lui-même en donnant l’illusion de son autocritique ».
Si cet essai est donc d’une évidente pertinence et utile ô combien par ses partis pris et la dimension résolument engagée de la démonstration, il achoppe néanmoins sur le point du remède ad hoc. Cochard a beau être docteur en philosophie, il n’a pas pour autant d’ordonnances sous le coude. Il voit bien les symptômes, il en fait l’anamnèse sérieuse, mais on sort de son cabinet, si on peut dire, sans pharmacopée. Et il le sait : « Tout ce que peut la philosophie, c’est de nous mettre devant le fait accompli, par un diagnostic aussi rigoureux que possible des conditions d’existence dans lesquelles nous nous trouvons. » La responsabilité du sevrage, elle, nous revient ; y sommes-nous prêts ?

Anthony Dufraisse

Vide à la demande. Critique des séries
de Bertrand Cochard
L’Échappée, 171 pages, 17

Fin de séries ? Par Anthony Dufraisse
Le Matricule des Anges n°254 , juin 2024.
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