Le Prince de Kalmoukie. Un étonnant voyage dans la steppe russe
Quand on roule en 308 Peugeot à travers la steppe de Kalmoukie, il faut se garder du perepatikol. On prend des risques avec ces boules de végétation qui errent dans le désert et s’accrochent sous les véhicules. À part ça, il y a aussi les hordes de loups, les antilopes et la guerre lointaine. La Kalmoukie, cette enclave bouddhiste d’Europe, est aux lisières de l’empire russe. Alors que fait-on en république de Kalmoukie (300 000 habitants) ? À bien suivre le récit de Marine Dumeurger, rien, ou pas grand-chose, à moins de jouer aux échecs, ou de trafiquer illégalement la corne d’antilope avec la Chine, et c’est interdit, ou bien d’espérer occuper un jour le trône du futur royaume comme Serge, le Français héritier de la couronne. L’histoire n’est pas banale que raconte la journaliste. Né en 1971, Serge est le descendant d’aristocrates russes que des Kalmouks sont venus chercher pour donner à ce pays un lustre qu’il n’avait pas. Dispersés sur tout le territoire soviétique, les Kalmouks n’étaient parvenus à construire leur capitale Elista qu’à partir de 1960. Serge y a été accueilli comme la notabilité qu’il est. Descendant de Pouchkine, il a grandi « là-dedans. Avant les bals des princes, c’était les sokols, une autre réminiscence de ses origines nobles et russes. » Il se souvient de ses camps d’été près de « Biarritz, où se retrouve la jeunesse d’origine russe blanche. Dans ces bases de vacances, pas de mixité sociale (…). Un monde à part, une bulle et un bulbe orthodoxes. » Un territoire d’avant 1917 transplanté dans les Landes, dont les occupants ont perdu peu à peu l’espoir de retrouver la Mère Russie.
Voilà un récit qui n’a rien du conte de fées, mais qui dépasse le simple reportage en terre chaude où il fait « Jusqu’à 60 °C cognant sur une terre laminée ». Le Prince de Kalmoukie, ou les ondes de choc de 1917 se font toujours sentir à travers le destin de nombreux Européens.
Éric Dussert
Le Prince de Kalmoukie.
Un étonnant voyage dans la steppe russe
Marine Dumeurger
Marchialy, 282 pages, 21,10 €

