Marielle Macé, la grande ouverture
C’est un petit livre jaune qui l’a fait connaître du peuple des lecteurs de littérature. Paru en 2017 Sidérer, considérer ouvrait une voie neuve dans le travail de Marielle Macé comme dans la littérature. Une voie qui serpente depuis entre l’essai, les sciences humaines, la philosophie, la poésie et le rendu d’expériences de vie, et de luttes multiples. Entre une Marie Cosnay et un Arno Bertina, la chercheuse aimantait dans ce livre toute une bibliothèque d’auteurs anciens et modernes pour dire la sidération face au sort réservé aux migrants et tracer le contour d’une éthique de la considération érigée sur ses lectures des poètes et des penseurs.
Certains se souvenaient alors que l’autrice avait publié en 2011 chez Gallimard, un essai dont le titre désignait assez clairement la source de cette écriture : Façons de lire, manières d’être. Il s’agissait en effet de lier indéfectiblement la littérature et la vie, nos lectures et nos existences. Dès lors, la littérature étant intrinsèquement liée à la vie, la vie ne pouvait-elle pas être changée par la littérature ?
Nos cabanes qui suivait en 2019 allait voir du côté des ZAD comment braver le monde et y ériger de nouvelles formes de vies, respectueuses du vivant, face à la disparition avérée des oiseaux, entre autres. Marielle Macé y évoquait à nouveau aussi bien Jean-Christophe Bailly, Olivier Cadiot, Michel Deguy, Dominique Meens ou Emmanuelle Pagano que Michel Foucault, Bruno Latour ou même le collectif Catastrophe. Le troisième opus de cette série de petits livres peuplés de tant de voix, paraît à cette rentrée littéraire. Respire, au sortir de la crise du Covid, part lui aussi des mille raisons qu’on aurait de se mettre en colère et lui aussi convoque la voix des poètes (Valérie Rouzeau, Stéphane Bouquet, Francis Ponge) pour nous rendre au monde, à sa richesse et aux formes de vies meilleures qu’il abrite. Respire fait du bien et nous donnait donc l’occasion d’aller rendre visite à son autrice. Mais celle-ci, en cette fin d’août, avait mis le cap vers la couture que le ciel fait avec la mer où le fleuve Loire s’ouvre à l’horizon sans fin. « J’accompagne, nous écrit-elle, le projet Loire Sentinelle, de Barbara Réthoré et Julien Chappuis, deux scientifiques qui ont monté un projet au long cours de documentation de l’état de santé de la Loire, et de soutien aux formes de vie qu’elle accueille ; l’an dernier, ils ont fait une descente complète de la Loire depuis les sources jusqu’à l’océan, pendant trois mois ; à pied d’abord, tant que la Loire n’est qu’un filet d’eau, puis en canoë, lentement, à même le fleuve (quoiqu’il ait régulièrement fallu porter l’embarcation sur des portions asséchées). Tous les soirs ils déchargeaient le canoë, plantaient leur tente, accueillis par des habitants et des collectifs, ou simplement par la berge. Ils prenaient le pouls du milieu, à coups de prélèvements et de protocoles de mesure (microplastiques, ADN environnemental), documentant...