Un livre

Monarque le grizzli

de Ernest Thompson Seton

Editions Corti

Dans la collection « Biophilia » reparaissent deux récits du naturaliste Ernest Thompson Seton (1860-1956), Krag le mouflon, et Monarque le grizzly, dont la parution faisait déjà les délices des lecteurs des collections jeunesse d’antan. Deux destins d’un animal sauvage face à l’homme implacable, l’ours Monarque, élevé par l’homme puis traqué par le magnat William R. Hearst pour garnir son zoo. Et Krag, le mouflon excitant la convoitise du chasseur Scotty, pour une lutte à mort dont les accents sont ceux d’un duel métaphysique. Les récits de Seton, chasseur pisteur devenu militant pour la préservation des écosystèmes manifestent une conscience avant l’heure de l’effondrement de la biodiversité. La science de la traque y est mise au service d’un récit littéraire qui progresse par indices et pistes, duel entre homme et animal aboutissant à rendre hommage à ce dernier dans la force de sa nature sauvage.
Ces récits sont aussi marqués au coin d’une littérature de la wilderness qui mélange lyrisme de la nature et anthropomorphisation du sujet animal, doué d’émotions, de stratégies, de pensées. La destinée de l’ourson, et de Krag s’inscrit dans les schémas narratifs héroïques du récit d’apprentissage ou de vengeance, du conte naturaliste. Monarque, contrairement à sa sœur Jill, demeurée sauvage et vite tuée, apprendra les rouages du monde des hommes. Une fois adulte, il saura ainsi se méfier de l’ennemi et déjouer ses pièges. Désormais transfuge entre être animal et être devenu littéraire et hybride, il sera la focale morale d’une littérature condamnant partout la stupidité des prédations humaines : un dispositif qui avait valu à Seton l’accusation de « nature faker » par son rival John Burroughs lors d’une polémique littéraire longue de six ans. Mais la fraîcheur et la sincérité de ces récits n’en résonnent que mieux avec l’éthologie contemporaine, tandis que son appel écologiste précurseur est lui aussi intact.

Etienne Leterrier-Grimal

Monarque le grizzly
Ernest Thompson Seton
Traduit de l’anglais par Bertrand Fillaudeau
Corti,144 pages, 17,50 €