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Domaine français Ecce homo footbalistico

février 2023 | Le Matricule des Anges n°240 | par Jérôme Delclos

Plus qu’hagiographe, Philippe Vilain littérarise Maradona en héros pour notre temps. Un livre de ferveur et de combat.

Avec La Malédiction de la Madone, Philippe Vilain avait raconté Assunta Maresca la Napolitaine : en dix-huit chapitres, la tragédie de son procès et de ses dix-huit années de prison pour un meurtre, celui que la « pupetta » – la poupée – commit en 1955 pour venger son mari assassiné (Francesco Rosi en fit un film, Le Défi). L’écrivain, engagé dans la cause des perdants de l’Histoire, n’en a pas fini avec Naples, sa ville de cœur. Ici, c’est l’icône Maradona qui lui donne son sujet, ou plutôt à qui Vilain paye avec ferveur sa dette, et pas seulement parce qu’il était « le plus grand joueur de tous les temps ».
Le livre, en effet, ne se résume pas à une énième biographie du « Dieu du football ». Ou plutôt : ce que c’est que le foot, ou mieux « le ballon  » pour la culture populaire, nul mieux que Maradona ne l’aura incarné, et de façon absolue, c’est-à-dire unique et définitive, dans chacune de ses dimensions esthétique, éthique, politique, et même poétique. Soit « footballistique » si l’on veut, à entendre dans le sens que lui accorde généreusement Philippe Vilain.
À la condition de le lire ainsi, son Maradona s’emporte depuis une intention littéraire qui signe la maturité de l’écrivain autant que son ambition, qui n’a d’égale que la passion qu’il voue à son idole. Tout à la fois témoignage de deuil ou « tombeau », autel dressé pour le dieu enfui, le livre devient un manifeste dans ses parties les plus politiques, et confession intime quand Vilain revient sur les émotions qui le saisissent encore au souvenir de Diego, à commencer par les larmes. « Même quand il ne jouait plus, et alors qu’il était devenu un pantin de lui-même, Maradona était – et demeure après sa mort – une émotion, une émotion qui fait pleurer. » Et si La Malédiction de la madone était le récit d’une vengeance par amour, Maradona l’est aussi : du fait de sa naissance dans un bidonville, de son génie du dribble, et par la preuve, aussi, du culte que le peuple de Naples lui voue comme à un saint, Diego est divin de réaliser en acte, à chacune de ses apparitions, la vengeance des obscurs, des pauvres, des humiliés – ceux que Michel de Certeau appelait « les absents de l’Histoire ». Tricheur, drogué, fraudeur du fisc ? Oui, mais à l’aune seulement d’« un certain prisme socioculturel », celui des dominants. Tandis que « la main de Maradona ou le coup de tête de Zidane, c’est le geste qui, dans les deux cas, rend justice, une justice personnelle palliant les manquements de la justice institutionnelle (…), et qui offre sa réparation ».
À l’appui de cette thèse, le chapitre « La main de Dieu, ou l’éthique de la faute » déroule son argumentaire. Il concerne une « main » qui fit scandale, commise par Maradona lors de la Coupe du monde au Mexique, et qui assura la victoire de l’Argentine. Geste, nous dit déjà Vilain, de « joueur de rue », un noble « gestus  » par fidélité de classe. Mais « quand une faute est-elle réellement une faute » ? Réponse : quand l’arbitre la siffle, ce qui n’a pas eu lieu. « Ce n’est que le visionnage a posteriori, dans un ralenti qui décompose les mouvements et les diffracte, qui nous permet de la nommer ainsi. » On touche là à ceci que « l’arbitrage vidéo hyper-technologique » dénature et pervertit l’essence même du jeu, quand « la main de la providence » de Maradona, en apparence bravant la règle, accorde souverainement une victoire qui ne fait que la rétablir. Il en sort une conception de l’exemplarité qui accorde toute sa place à la roublardise – « la grinta italienne » ou « la cazzimma napolitaine » – conçue comme force des faibles.
Finalement, nous dit Philippe Vilain, « Maradona est le plus grand poète que j’aie jamais lu, l’auteur d’une œuvre qu’il a écrite avec son corps, son pied gauche et, une fois, donc, avec la main ». Ainsi nous raconte-t-il « une fabula infiniment humaine », un mythe, inépuisable de toujours pouvoir être remémoré.

Jérôme Delclos

Maradona
Philippe Vilain
Les Pérégrines, 112 pages, 14

Ecce homo footbalistico Par Jérôme Delclos
Le Matricule des Anges n°240 , février 2023.
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