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Domaine français Sable (é)mouvant

février 2023 | Le Matricule des Anges n°240 | par Dominique Aussenac

Olivier Bodart nous invite à un étrange jeu de piste en milieu hostile. Inventif, abrupt, envoûtant.

Après moi le désert

Certains ouvrages révèlent les défauts de leurs qualités comme ces perles baroques, aberrantes, souvent magnifiques, mais impropres à la vente. Les éditions Inculte aiment à les cultiver en déconstruisant ou en expérimentant des voies narratives singulières, confrontant la littérature à d’autres arts, sciences ou sens, ici, le dessin, la photographie, la lecture de paysage, la cartographie, l’imprimerie, la signalétique, l’olfaction…
De la perle au désert, il n’y a qu’un grain de sable. Le désert, page blanche et merveilleux huis clos, immensité où se découvrir et se dissoudre ! Roberto Bolaño eut le grand talent d’y faire divaguer et d’y enfouir ses héros. Le plus étendu d’Amérique du Nord, celui de Sonora, coincé entre Californie, Arizona et Mexique recense les températures les plus élevées de la planète. Un véritable four qui sous la plume d’Olivier Bodart apparaît à la fois comme une entité fantomatique : mi-dieu, mi-félin, mi-sdf et un lieu tout en contraste, hostile et matriciel, brûlant et froid, aveuglant et sombre, d’une fixité vertigineuse et soumis à des tremblements, inoccupé et générant des présences (des plus archaïques, animistes aux plus artificielles, incongrues)… Au milieu de ce désert s’élève un bâtiment étrange. Une ancienne imprimerie depuis longtemps désaffectée, construite à la Shining sur un cimetière ou un lieu de culte indien. Le héros narrateur est un enseignant plasticien ayant quitté France, famille, enfants, et qui tel le lieutenant Drogo du Désert des Tartares attend tout le roman… sa nouvelle compagne. Avec cette dernière, il projette d’élever une école de photographie. Mais pour une sombre histoire de pension alimentaire, il ne peut révéler ni sa présence, ni son identité en ce lieu. Comment être sans être, habiter sans occuper ?
Cette singulière présence au monde et cet effacement tissent et détissent le roman. Dans ce désert au milieu de nulle part, tout en étant au « Centre du Monde » certifié par les autorités, le héros se perd dans le bâtiment qu’il explore à tâtons, tout en le détruisant, découvrant d’anciens vestiges et d’étranges odeurs. Se déconnectant du réel, il sombre dans la folie. L’ancienne imprimerie devenue labyrinthe se ramifie à son propre cerveau, à moins que cela ne soit le contraire, générant d’arborescents délires. Fantôme anonyme, il perçoit d’autres présences… de lui-même avec qui il s’efforce de rentrer en contact. Il se dissout tout en se multipliant, s’hétéronymise, créant ses propres avatars jusqu’à rédiger leurs fiches Wikipédia, tel cet ancien patrouilleur d’autoroutes qui vécut dans un bidonville en plein désert de Slab City, peuplé d’errants, de survivalistes, de déçus et fracassés de la société. « À la nuit tombée, le 31 mars 2014, Willy Fry ferme la porte de son appartement meublé en abandonnant la clé dans la serrure et quitte Felicity sans laisser aucun mot. Il en a fini avec les mots également. Dans un grand sac à dos en toile qu’il possède depuis l’armée se trouvent des paquets de noix séchées et des bouteilles d’eau. Il atteint rapidement les rails qui frôlent l’arrière de la ville et regarde une dernière fois la chapelle illuminée en haut de la colline artificielle. Muni d’une torche électrique il se met à marcher. »
Jonglant avec les genres – policier, fantastique, étude de mœurs, roman initiatique, pré ou post-apocalyptique… – l’auteur défonce les portes de la perception basculant dans une dimension où angoisse et paranoïa s’estompent peu à peu pour laisser place à une intranquillité d’une richesse sensorielle et émotionnelle remarquable. Olivier Bodart construit ici toute une superstructure de tuyauteries narratives (façon Beaubourg ou Fernand Léger) qui, si elles ont parfois du mal à se raccorder car trop explicatives, récurrentes ou sibyllines, témoignent d’une grande inventivité.

Dominique Aussenac

Après moi le désert
Olivier Bodart
Inculte, 338 pages, 21

Sable (é)mouvant Par Dominique Aussenac
Le Matricule des Anges n°240 , février 2023.
LMDA papier n°240
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