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Histoire littéraire Inquiétantes féeries

janvier 2023 | Le Matricule des Anges n°239 | par Guillaume Contré

L’édition des œuvres complètes de Leonora Carrington (1917-2011) replongera le lecteur dans la richesse d’un imaginaire sans commune mesure.

Leonora Carrington, Contes, L’oeuvre écrit, t. 1

Après un volume de contes publié il y a deux ans, les éditions Fage poursuivent et achèvent leur intégrale de l’œuvre écrit de Leonora Carrington avec la parution conjointe d’un volume dédié à ses récits et d’un autre qui rassemble sa production théâtrale. Figure mythique du surréalisme, Carrington était trop indépendante pour avoir jamais vraiment intégré le mouvement de celui qu’elle surnommait le « directeur » Breton. De sa rupture avec son milieu aisé d’origine en Angleterre à sa fuite très jeune à Paris, où elle plongera tête la première dans les avant-gardes et rencontrera Max Ernst, avec qui elle aura une liaison fondatrice, puis son départ au Mexique, pays « naturellement surréaliste », au début des années 40, alors que l’étau se resserre en Europe, elle suivra toujours un fil très personnel, fondant en un tout indissociable son art et sa vie et convertissant ainsi toute sa production en une immense œuvre à clé, se faisant la prophétesse d’elle-même et de son rapport au réel, dont elle n’a de cesse de pousser les murs. Elle qui fut élevée comme une fille de bonne famille – « je suis la seule à devoir faire du piano pendant des heures, me laver toute la journée et dire merci à tout propos » – sut faire feu de tout bois.
À cheval entre l’ancien et le nouveau monde, lequel – particulièrement au Mexique – n’est pas non plus tombé de la dernière pluie, elle pourrait faire siens les propos d’un de ses personnages : « je suis un chevalier errant ; mes racines ne peuvent trouver nul sol où se fixer, et c’est pourquoi elles sont visibles ». Ainsi, si l’anglais reste sa principale langue d’écriture, elle ne dédaignera ni le français ni l’espagnol, au point que les incessants passages de l’une à l’autre au fil des éditions et des traductions rendent parfois difficile l’établissement d’un texte source original. C’est d’ailleurs en français, par le truchement d’Henri Parisot, que son œuvre littéraire se fera d’abord connaître.
Peintre, écrivaine, sculptrice, dramaturge, elle fut une alchimiste qui se construisit un monde aussi magique qu’inquiétant. Les amitiés (Remedios Varo, Benjamin Péret, Alejandro Jodorowsky, Octavio Paz…) y jouent un rôle important. C’est un univers symbolique et autonome qui mêle le tarot, la cabale, les créatures mythologiques et les chimères, débordant d’êtres mi-humains mi-animaux, où l’enfance et la vieillesse se rejoignent, mais qui sait aussi faire preuve d’un sens de l’absurde hérité de la meilleure tradition nonsensique anglaise, laquelle s’enrichit des potentialités de l’écriture automatique.
Ses récits, comme ses tableaux, sont peuplés de créations étranges, merveilleuses ou macabres, en tous points dignes des plus sauvages associations de Lautréamont : « Je fus particulièrement fascinée par une table à cinq pieds composée de deux fox-terriers, d’un champ de narcisses et de trois femmes dans la force de l’âge réunies dans un embrassement strangulatoire tandis que la carcasse complète d’un lion de mer enveloppait le tout ». Il s’agit de faire en sorte que le mot puisse « réagir sur l’objet qu’il nomme », ce n’est qu’ainsi que l’on pourra « tirer un orchestre d’un moucheron mort ».
Si son livre le plus célèbre est Le Cornet acoustique, qui raconte les délirantes aventures d’une nonagénaire dans une drôle de maison de retraite alors qu’une nouvelle ère glaciaire menace et qu’une abbesse libidineuse part en quête du Graal, le volume des « récits » permet également de redécouvrir d’autres textes tout aussi remarquables : En bas, son œuvre la plus directement autobiographique, qui raconte son terrifiant séjour dans un hôpital psychiatrique espagnol, mais aussi La Porte de pierre, récit à tiroirs fortement onirique qui explore un univers ambivalent très proche de ses peintures. Quant à l’Histoire du petit Francis, écrit en 1940 à Saint-Martin-d’Ardèche peu de temps après l’arrestation de Ernst (allemand, et donc « traître »), c’est une fable faussement naïve où l’inquiétude d’un monde qui se disloque pointe peu à peu.
C’est dans le volume consacré à sa prolifique œuvre théâtrale que l’on découvrira de nombreux inédits, une œuvre dramaturgique où la présence du public n’est « qu’accidentelle » et qui a été rarement montée, tant elle est particulière, truffée de didascalies suggestives : ainsi de la description de « coussins qui ressemblent à des estomacs de cardinaux » ou des yeux d’un personnage qui « ont le regard opaque d’un poisson qui est passé par le court-bouillon, ce regard figé d’un visionnaire ». La distribution est souvent pléthorique, les vivants, les morts, les animaux, les objets et les créatures hybrides y cohabitent dans des sarabandes en mutation permanente, tour à tour carnavalesques ou effrayantes, mais jamais capricieuses.

Guillaume Contré

L’œuvre écrit II, Récits et III, Théâtre,
Leonora Carrington
Fage, 432 pages et 376 pages, 28 chaque volume

Inquiétantes féeries Par Guillaume Contré
Le Matricule des Anges n°239 , janvier 2023.
LMDA papier n°239
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