Marie Cosnay, engagée sans frontières
En octobre 2017, des migrants s’installent dans les jardins de la faculté de Lettres de Clermont-Ferrand. Commence alors une expérience collective d’accueil dont Réfugier, livre-coffret, conserve la mémoire en même temps qu’il explore les liens entre la littérature, les sciences humaines et l’hospitalité. Catherine Milkovitch-Rioux, chercheuse et professeure de littérature contemporaine à l’Université Clermont Auvergne en cosigne la postface avec Nathalie Vincent-Munnia.
Comment est né le projet de ce coffret Réfugier ?
Il est né d’une série de rencontres : la première est celle vécue en 2017 avec l’installation de ce campement précaire de familles et jeunes exilés dans notre université : une « rencontre exorbitante entre l’exil, la persécution, la bibliothèque », pour reprendre les mots de Marielle Macé (Sidérer, considérer… Verdier). Cette présence soudaine dans une faculté des Lettres et sciences humaines ressemblait à un appel auquel nous, enseignant.es, chercheur.es, étudiant.es, personnel, nous devions de répondre. Rencontrer ces habitant.e.s des marges, participer aux activités du campement et aux actions militantes, utiliser nos disciplines pour collecter des témoignages, créer un fonds d’« archives du campement », déposé à la Maison des sciences de l’homme, seront les premiers gestes permettant de conserver une trace de cette histoire commune. Le coffret Réfugier est composé de trois carnets, Témoigner (Chroniques du campement Gergovia), Explorer (Carnet de recherches) et Relier (La chaîne du livre). Chacun permet de tisser archives, arts et savoirs universitaires. Le coffret est également issu d’une rencontre avec la filière graphique des industries françaises de l’imprimerie et du livre, qui a permis de donner corps aux textes et aux images du campement. Le livre est selon André Suarès « le dernier refuge de l’homme libre », et Patrick Chatet, l’un des acteurs du projet, ancien ouvrier typographe, précise que le livre « relie, s’inscrit dans le temps et demeure sa trace imprimée ». La chaî̂ne du livre a permis au coffret Réfugier de voir le jour, comme un symbole de l’histoire d’hospitalité qui se raconte ici.
Des trois carnets, Témoigner semble le plus urgent en cela qu’il fait entrevoir la possibilité d’une vie en commun à mille lieues de ce que l’on entend partout. En quoi était-il nécessaire d’y ajouter Explorer dans lequel interviennent écrivains et chercheurs ?
Effectivement, les Chroniques du campement Gergovia qui composent Témoigner est le premier acte écrit par les étudiants du Master de création littéraire, qui ont collecté les témoignages, composé les textes, et réalisé, sous la direction de l’écrivain Alban Lefranc, un « récitatif » illustré par les photographies d’Isabelle Germanaud et Christophe Guimard, saisies sur le vif, et par les dessins de Bruno Pilorget. Elles s’écrivent avec cette double conscience de l’urgence et de la trace. Le second carnet « de recherches »...