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Théâtre Tableaux noirs

janvier 2023 | Le Matricule des Anges n°239 | par Patrick Gay Bellile

Céline Delbecq cherche dans l’enfance les racines de la violence conjugale.

Cela fait des années maintenant que Céline Delbecq nous touche avec des textes pointus, comme tirés au cordeau, des textes clairs, vifs, rapides, avec toujours un point de vue et un objectif qui éclatent dès les premières lignes. Les Yeux noirs n’échappe pas à la règle. Il s’agit d’un « triptyque pour un acteur et une actrice ». Trois textes donc. Deux très courts, « Phare » et « La nuit est noire », encadrant « Ombres » et lui donnant une grande et inquiétante profondeur. Le premier texte est un monologue de femme. Elle vit dans un phare avec son mari, qui en est le gardien, et ses deux enfants. Dans cette famille, on est gardien de phare de père en fils. Elle rentre ce jour-là avec 7 minutes de retard. 7 minutes qui ne passent pas et lui valent une raclée qui n’est certainement pas la première ni la dernière : « Tu vas voir / Tu vas voir ce que tu vas prendre pendant 7 minutes. » Elle sait que celui qui la frappe n’est pas celui qu’elle aime, qu’ils sont deux dans ce grand corps violent qui ne fait que reproduire ce qu’il a vu enfant : « Des années de silence à voir son père cogner sa mère, son père cogner sa mère et le déluge dans son corps, comment pouvait-il grandir autrement ? » Et ce soir-là elle essaie une nouvelle fois de s’enfuir avec ses enfants, malgré les menaces de mort. Ce sont quelques pages d’une très grande intensité dans lesquelles le vent et la mer jouent un rôle et nous racontent aussi cette violence qui s’empare parfois des individus.
Le deuxième texte commence, en apparence, plus tranquillement. Un couple, elle est enceinte, il s’inquiète de savoir si elle l’aime, elle a des rendez-vous de travail à des heures tardives, il n’apprécie pas beaucoup, et cela le met en colère. La situation peut sembler banale et pourtant elle dérape rapidement. Lui se sent remis en question, à l’impression d’être nul, les crises de jalousie se succèdent, finalement il l’insulte puis la frappe, elle craint pour le bébé à naître et une nuit, décide de partir. Elle a fait sa valise, il rentre à ce moment-là. S’ensuit une grande scène d’amour, de repentir, de promesses que cela n’arrivera plus, qu’il faut le comprendre, que ce n’est pas facile, qu’il ne faut pas se décourager, que ce ne serait pas bien de priver un père de son enfant. Et elle cède. Et la dernière scène n’est que la répétition de la première. Lui : « Tu m’aimes ? » Elle : « Oui. » Lui  : « Je sais pas pourquoi avec toi j’arrive pas à être sûr ». Et puis vient « La nuit est noire », le monologue d’un jeune homme qui se parle à lui-même alors qu’il vient de quitter une soirée d’anniversaire, son anniversaire, et marche seul dans la nuit. La soirée s’est mal passée, il a trop bu, il a pensé voir Chiara son amour s’amuser avec un autre, a décidé de « se le faire ce fils de pute, il fait deux fois ta taille mais rien à foutre, tu vas te le faire, le défoncer, être quelqu’un, après toutes ces années de stupeur, venger le petit dans son pyjama ours surfeur ». Il ne s’arrête que lorsque Chiara lui jette à la figure : « T’es comme ton père ». Et il se revoit, petit garçon terrorisé au fond de son lit, faisant semblant de dormir lorsqu’il entend son père rentrer tard, signe qu’il a bu et qu’il va encore frapper sa mère. Alors il s’en va, il fuit sa propre violence qui prend sa source dans les yeux noirs de son père et il décide d’affronter la vie désormais : « C’est fini de faire semblant de dormir. »
Trois histoires, trois fuites, trois issues différentes, mais finalement une même idée : la violence des hommes envers les femmes n’apparaît pas toute seule, elle n’est pas un trait de caractère, ou une affaire de gènes. Elle est un héritage, une transmission, la réaction d’un adulte à une enfance traumatisée. Elle n’est pas excusable pour autant. Mais comprendre d’où vient le mal est peut-être le plus sûr moyen d’y porter remède.

Patrick Gay-Bellile

Les Yeux noirs
Céline Delbecq
Lansman, 60 pages, 11

Tableaux noirs Par Patrick Gay Bellile
Le Matricule des Anges n°239 , janvier 2023.
LMDA papier n°239
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