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Histoire littéraire Agrestes séjours

septembre 2022 | Le Matricule des Anges n°236 | par Éric Dussert

Chantre de la vie rurale, Sarah Orne Jewett fit de sa connaissance d’un milieu le matériau de son œuvre. Elle fut pourtant négligée en France.

Le Pays des sapins pointus

Et autres récits
Editions Rue d'Ulm

Au cours de l’année 1890, la France était informée par les grâces de la fée Presse et dans les pages du Charivari, de la parution d’un livre épatant : Le Roman de la femme-médecin. L’auteure en était une certaine Sarah Orne Jewett et l’éditeur Jules Hetzel et Cie. On ne présente plus son pignon ni sa rue. Le titre du roman avait de quoi séduire – et le sujet de le femme-médecin plaît toujours si l’on en croit les transports pour le Docteur Quinn (« femme médecine », donc chamane) ou Sue Hart la vétérinaire qui motiva la série Daktari… Le journaliste Jean Frollo du Petit Parisien en profite pour annoncer la tenue prochaine du Congrès des femmes-médecins en Californie. Et il enquête sur la situation des femmes-médecins, notant que la situation n’est pas déplorable en France, néanmoins moins faste, relevant pour autant un biais – toujours le même – dans la carrière et l’engagement supposé des femmes dans leur activité… Évoquant naturellement le roman, il déclare au terme de son papier : « Son héroïne est une jeune fille qui se sent impérieusement attirée vers la science, séduisante et charmante d’ailleurs elle se prend d’admiration pour l’existence utile d’un humble docteur de campagne, et elle n’imagine rien de mieux que de l’imiter. Un jeune homme l’aime, et elle-même se sent attirée vers lui. Mais plus noble lui semble la voie qu’elle s’est tracée, et, après quelques combats intimes, elle lui demande de ne plus songer à elle. Puis, courageusement, elle poursuit, détachée de tous les liens du cœur, la carrière qu’elle a rêvé d’exercer, non comme un métier, mais comme une mission. On ne demande pas aux femmes-médecins cet absolu détachement. Beaucoup d’entre elles pratiquent dignement leur art sans s’être contraintes à se priver des joies de la famille. Il sera précisément intéressant de savoir quel sera, au Congrès de Chicago, le nombre des doctoresses mariées. »
Fille d’un obstétricien, Theodora Sarah Orne Jewett est née le 3 septembre 1849 à South Berwick dans le Maine. Sa santé avait été ébranlée dès son enfance durant laquelle elle fut atteinte de polyarthrite rhumatoïde, mal qui recommandait qu’elle se promenât beaucoup. Accompagnant son père autant que possible, elle eut dans ces déplacements constants l’occasion de rencontrer un grand nombre de personnages, d’entendre des récits et, lors de ses séjours à Boston, de rencontrer les écrivains de son temps. Publiée dès l’âge de 19 ans dans l’Atlantic Monthly, adepte de Swenderborg, elle obtint une reconnaissance émue pour la simplicité de ses nouvelles, et l’émotion qu’elle savait transmettre. Willa Cather, admirative, déclara lui devoir beaucoup et lui dédia son roman O Pioneers ! (1903). En France, elle eut la chance d’entrer en relation étroite avec la romancière et critique de la Revue des Deux-Mondes Thérèse Betzon qui s’enticha de son œuvre et traduisit ses nouvelles.
Restée célèbre outre-atlantique pour ses « récits à la couleur locale », comme l’on dit lorsqu’on ne sait pas comment aller plus loin dans l’explication, elle a un peu après Washington Irving (hors son sens du fantastique), un peu avant Henry Beston (La Maison du bout du monde), peint ses contemporains de la côte Est, en particulier de l’État du Maine qu’elle a si souvent parcouru. Trois écrits sont restés dans les esprits : Un médecin de campagne (1884), le recueil de nouvelles intitulé Un héron blanc (1886), et, dix ans plus tard, Le Pays des sapins pointus, retraduit par Cécile Roudeau après Betzon en 2004. Quant aux poèmes de son recueil Verses (1916), ils n’ont pas encore trouvé traducteur, mais il serait bien mystérieux qu’une promotrice aussi gracieuse de la vie rurale ne trouve ses hérauts… « C’était bien Mrs Blackett en effet, plus vraie que nature : elle avait dû quitter l’île verte avant le lever du jour. Elle avait grimpé avec tant d’empressement la route escarpée qui monte du rivage qu’elle était à bout de souffle et elle s’était arrêtée à côté de la barrière du jardin, pour se reposer. Elle avait à la main un panier d’osier brun, fermé d’un couvercle, comme on les faisait autrefois, et on eût dit à la voir que les visites étaient pour elle chose banale ; elle leva vers nous un regard triomphant et joyeux, comme l’eût fait un enfant. »
Pour sa part, Sarah Orne ne bénéficia pas de dernières années très enviables… Outre sa maladie de jeunesse, incurable, elle fut la victime d’un accident de calèche en 1902 qui brisa ses capacités créatrices. Et sept ans plus tard, c’est une double crise cardiaque qu’elle subit, la seconde lui étant fatale. La chantre des vertus de la vie simple s’éteignit dans sa ville natale le 24 juin 1909.

Éric Dussert

Le Pays des sapins pointus
Sarah Orne Jewett
Traduction et présentation de Cécile Roudeau
Rue d’Ulm, 379 pages, 25

Agrestes séjours Par Éric Dussert
Le Matricule des Anges n°236 , septembre 2022.
LMDA PDF n°236
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