David Lopez, la belle ascension
Dans les festivals littéraires où le succès de Fief l’a conduit durant quelques années, le bonhomme détonne. Yeux rieurs, gueule d’ange à l’innocence cramée depuis lurette, David Lopez n’emprunte guère à la syntaxe convenue du discours policé. On l’a vu, vêtu d’une veste de survêtement, bagouses aux doigts, dans une salle comble du festival Meeting à Saint-Nazaire évoquer en 2019 son « syndrome d’auto-disqualification » qui lui a longtemps fait écrire des textes artificiels. Et d’expliquer qu’il connaît mieux n’importe quel club de foot européen que les officines du monde éditorial dans lequel Fief venait de le plonger. Cinq ans après sa naissance éditoriale, quatre ans après l’obtention du prix du Livre Inter, le garçon vit toujours à Nemours où il répondra rapidement à nos mails, même si parfois, par SMS, il préviendra : « je finirai ce soir, là je vais manger chez les darons. »
David Lopez, Vivance paraît cinq ans après Fief qui a rencontré un très large succès, inhabituel pour un premier roman, obtenant même le prix du Livre Inter. Le succès de Fief a-t-il rendu plus compliquée l’écriture du deuxième roman ?
On m’a demandé David, c’est dur d’écrire une deuxième roman ?, et j’ai répondu que c’était dur d’écrire un roman, tout court.
En vrai ça dépend d’où on se place. Du point de vue du travail, du texte en lui-même, non, c’est pareil. La même obsession, les mêmes tourments, le même flottement. D’un point de vue psychologique, oui, c’est plus compliqué. À l’époque de Fief j’étais innocent, insouciant, candide. Fief, j’ai pas fait exprès. Et en écrivant Vivance, il m’est arrivé de me demander mais David, comment on fait pour ne pas faire exprès, de nouveau.
Si Fief a rendu compliqué l’écriture de Vivance, c’est uniquement pour des raisons qui n’ont rien à voir avec le texte. Dont le texte ne s’embarrasse pas. Je parle de sa réception, surtout. Il m’est arrivé de beaucoup m’en vouloir de penser à ça. Mais ces pensées sont présentes quand on s’éloigne de l’écriture. Le texte, lui, règle tous les problèmes. Parce qu’il en a rien à foutre de mon petit ego. Alors je l’écoute.
Pendant assez longtemps ma principale préoccupation a été de faire sens. L’écriture, j’ai eu l’orgueil de penser que c’était bon, que je savais faire ça, que je n’avais pas besoin d’y réfléchir. Je continue d’apprendre. J’ai fini par comprendre, et constater surtout, que faire sens ça se fait tout seul, pourvu que je sois suffisamment impliqué, émotionnellement, dans ce que j’écris. C’est à la Phrase de faire tenir l’ensemble. Heureusement je m’en suis rendu compte assez tôt pour transformer quelques tartines discursives de quinze lignes en une seule phrase évocatrice. Le cœur de mon travail ça reste la réécriture. Pour ça qu’une fois qu’on a assez de matière c’est le texte qui décide, et qu’en avoir écrit un, zéro ou douze ne change plus rien à l’affaire, parce que pour le texte qu’on écrit il n’y a rien avant, rien après.
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