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Théâtre Prendre soin

mai 2022 | Le Matricule des Anges n°233 | par Laurence Cazaux

Depuis mon corps chaud, de Gwendoline Soublin, ou quand les ailes poussent dans le dos de ceux qui partent.

Depuis mon corps chaud

Depuis mon corps chaud est une commande du Théâtre national de Strasbourg. Pour son écriture, Gwendoline Soublin a passé plusieurs semaines à l’Institut de formation en soins infirmiers de Strasbourg. Ce texte résonne fortement aujourd’hui après plus de deux ans de pandémie et interroge le lien qui existe entre soignants et soignés.
La pièce est construite en deux parties, avec les voix de « Celui qui part » et de « Celle qui reste ».
Celui qui part est un jeune homme en train de mourir, opéré en urgence pour un cancer du larynx, il ne peut plus parler. Personne ne connaît son nom.
Au démarrage de la pièce, à quatre heures du matin, se sentant partir, il sonne pour appeler une jeune infirmière de 19 ans. Sa parole à elle est notée entre parenthèses, une parole qui cherche à prendre soin, en massant une main, en remettant une couverture. Lui est traversé de pensées fragments, reprenant certains souvenirs de sa vie passée. Une existence cabossée. Il dresse, comme une liste, ce qu’il emporte avec lui lors de ses derniers instants. Et son monologue se transforme presque en une déclaration d’amour à la vibration de vie. Avec une dernière image qui le traverse, la joie d’avoir marqué un but au foot, enfant, lorsque la vie irradiait.
Dans une langue entrecoupée de silences, comme si le souffle se faisait plus rare, Gwendoline Soublin essaie de trouver les mots, les images sur cette grande inconnue, le passage de la vie à la mort. En dressant le portrait imaginaire de Celui qui part, elle redonne dignité et mémoire à cet oublié de tous, accompagné de la seule présence de Celle qui reste. La seconde partie est donc sa voix à elle.
« comme il y a des premiers baisers/ des premiers pas/ une première gorgée de vin/ il y a le premier mort/ entre nous je m’en souviens on en parlait beaucoup à l’institut de formation (…)/ et peut-être s’imaginait-on que le premier mort nous introniserait/ comme la première prise de sang/ officiellement/ dans la famille des soignants (…)/ quand toi tu pars ce jour-là/ je ne sais pas encore que tu vas rester/ longtemps/ dans ma tête ».
Car chaque jour où elle l’a soigné, elle a mené une sorte d’enquête, pour essayer de trouver sur le corps de son patient les traces de sa vie passée, le pourquoi du jaune de ses orteils, les petits trous de seringue dans les bras, ou la découverte d’un tatouage derrière l’oreille.
Depuis mon corps chaud est écrit dans un souffle, le texte n’a presque aucun point. Les seules phrases qui se concluent sortent de la bouche d’une cadre de l’hôpital qui essaie de réconforter la jeune infirmière. C’est un texte très intime, son passage sur scène n’est pas aisé à imaginer. Il nous touche dans le rapport que nous entretenons avec notre mort prochaine ou avec la mort de nos proches. Et il rend un bel hommage au métier de soignant. Un métier qui panse tant de maux : « (…) je n’ose pas dire je fibrine je pommade j’escarre je pansement je constante je posologie je réflexion clinique je aiguille de Huber je cataplasme je sourire je fermeté je musique douce je cigarette je couds je désinfecte je frotte (…) »
La pièce montre toute la difficulté de cette profession, toute sa beauté aussi : « à l’institut ils disent : juste distance/ tout tient à la justesse de cette distance avec le patient/ le bon éloignement/ le rapprochement adéquat/ qui de vous à l’autre tend un fil sans tendre un lien/ suppose l’empathie sans l’égarement ».
Le rapport à la mort et à nos morts est brûlant d’actualité, avec la logique de rentabilité mise en œuvre à l’hôpital ou le scandale des maisons de retraite. Ici, le sujet est traité de façon sensible, il nous touche d’autant plus.

Laurence Cazaux

Depuis mon corps chaud
Gwendoline Soublin
Éditions espaces 34, 64 pages, 13

Prendre soin Par Laurence Cazaux
Le Matricule des Anges n°233 , mai 2022.
LMDA papier n°233
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