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Égarés, oubliés Le pessimiste hyperproductif

mars 2022 | Le Matricule des Anges n°231 | par Éric Dussert

Préfigurateur de la Société des nations, le boniste Edmond Thiaudière le fut aussi d’une manière « nouveau roman ».

Edmond Thiaudière est sans doute l’écrivain français le moins connu mais c’est aussi l’un des plus cités. Partout foisonnent sur internet ces maximes (car il était « maximiste » de son propre aveu), et en particulière celle-ci, restée fameuse, allitérante en diable, qui ouvre cette porte ouverte sur le fait que les hommes viennent de la Lune et les femmes d’une autre planète (ou l’inverse) : « Les hommes et les femmes se prennent, se déprennent, s’entreprennent, se reprennent et se surprennent, mais ils ne se comprennent pas.  » À ce point de nos recherches, nous vous laissons la joie de retrouver vous-même la source de ce morceau de la pensée hexagonale.
Edmond Thiaudière donc, au-delà de son talent pour les maximes, avait la plume extrêmement bien taillée. Né le 17 mars 1837 à Gençay (Vienne) où il mourra aussi le 9 novembre 1930, il aura, on peut le dire, noirci du papier : depuis son Apprentissage de la vie, avec dédicace à la mort (1861) jusqu’à ses douze manuscrits inédits déposés à la bibliothèque de Poitiers au soir de sa vie afin que des érudits du futur complètent sa bibliographie « philosophique », il aura durant six décennies publié plus que beaucoup. Des articles, des fantaisies, des romans, des poèmes qu’il place au Figaro, à L’Éclair, au Soir, etc. Il fréquente Victor Hugo, entre à la Société des Gens de Lettres et publie à tour de bras : voici ses poèmes de Sauvagerie (1866), les proses des Trois amours singulières (1866), de La Proie du néant (1886), des Voyages de Lord Humour. Le pays des rétrogrades (1876), de La Fierté du renoncement. Notes d’un pessimiste (1901), un flot de pages toujours plaisantes à traverser. Non content de publier pour ses patrons de journaux habituels, il fonde en 1876 la Revue des idées nouvelles, vouée à l’analyse encyclopédique du « progrès » et comme on n’est jamais mieux servi que par soi-même, il enquille les articles sous les pseudonymes les plus variés. On imagine qu’il tient sa barque seul durant trois ans avant d’accueillir des collaborateurs. En 1900, il participe à la revue Le Penseur, et déjà, se dessine son intérêt pour les questions géopolitiques, collabore à La Revue Diplomatique, au Moniteur des Consulats… Dans ce milieu, il devient membre du conseil d’administration de la Société française des amis de la paix qui milite ardemment pour la substitution de l’arbitrage à la guerre afin de régler les différends internationaux. À ce titre, il est secrétaire du Congrès international de la paix qui se tient à Paris en 1889 et donne lecture à ses collègues de son mémoire portant création d’un… parlement européen. Voilà qui fait de lui, ainsi que le relèvent ses nécrologues en novembre 1930 un précurseur de la Société des nations… et de la CECA. Onze ans après sa proposition Frédéric Passy et Randal Cremer lançaient la préparation de l’Union interparlementaire qui allait présider à la création de la Société des nations. Entre ici Edmond Thiaudière !
Mais Thiaudière ne s’arrête pas en si bon chemin. D’une part il continue d’écrire et de publier – en particulier ses Notes d’un pessimiste qui lui valent, de la part de Julien Teppe d’apparaître dans le Manuel du Désespoir (Debresse, 1959) où il apparaît comme « le fondateur du… bonisme, doctrine finalement assez azurescente puisqu’elle voit dans la bonté “la rédemption de toutes les tares humaines“ ». Et il est vrai que Thiaudière a bon fond : il travaille avec son ami Louis-Xavier de Ricard à la Fédération des peuples du bassin méditerranéen, en vain apparemment, milite contre les curés au sein de plusieurs comités anti-cléricaux, intègre la Société protectrice des animaux – il manifestait un amour pour les chiens, ces « enfants perfectionnés ».
Mais ce qui va sans doute retenir toute l’attention de nos contemporains, c’est ce livre de 1886 intitulé La Maison fatale, roman parisien (J. Rouff). Publié d’abord en feuilleton dans les pages de L’Opinion, il nous place face à un plagiat par anticipation dont raffole l’Oulipo, et à en croire sa lettre d’intention, il n’est pas lieu de chercher longtemps à quel roman du siècle suivant il fait bigrement penser : « J’ai voulu, substituant pour une fois la synthèse à l’analyse, résumer l’ensemble de la vie humaine civilisée dans les manifestations de la vie individuelle de trente à quarante personnes qui correspondent aux types sociaux les plus essentiels et les plus tranchés.
Et j’ai pris pour cadre une mystérieuse maison du quai des Célestins, à Paris, laquelle, si l’on va au fond des choses, n’est que la réduction du grand habitable social où nous sommes parqués hétéroclitement durant nos quelques instants plus ou moins rapides d’existence. Et j’ai fait tenir tout cela dans une soirée de carnaval, donnée par un pierrot et une colombine, plus graves personnages qu’on ne le pourrait croire d’après leur déguisement. L’entreprise n’a point encore été tentée, que je sache
. » Et voici comment Thaddée Roch, chef de bureau à la préfecture de la Seine entame son récit : « Pour aller à mon bureau et pour en revenir, je passais devant la Morgue, matin et soir. » Gardons encore un peu le mystère sur l’accumulation des fins…

Éric Dussert

Le pessimiste hyperproductif Par Éric Dussert
Le Matricule des Anges n°231 , mars 2022.
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