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Histoire littéraire Le vieux troubadour

mars 2022 | Le Matricule des Anges n°231 | par Thierry Cecille

En ces jours calamiteux, reprenons courage avec Flaubert : une anthologie de sa correspondance, riche et roborative, nous le permet.

La Passion des Lettres. Correspondance choisie 1839-1880

Quatre mille cinq cent quatre lettres, cinq volumes de La Pléiade : comme souvent avec Flaubert, il nous semble devoir affronter le monstrueux, le gargantuesque et le labyrinthique quand nous abordons sa correspondance. Cependant, si nous voulons lui rendre hommage à l’issue de cette année anniversaire (il est né le 12 décembre 1821), l’entreprise pourra être tentée, avec Élisabeth Brunet pour guide sagace et amicale. À partir de l’édition électronique d’Yvan Leclerc et Danielle Girard (librement accessible sur le site de l’université de Rouen), elle nous propose quatre cent quarante lettres – le dixième de l’ensemble donc. Elle explique ainsi son choix : « retenir des lettres marquantes tout en dégageant les grandes lignes de la vie de Flaubert » et précise les principes qui l’ont guidée : « respecter l’ordre chronologique, garder le texte intégral de chaque lettre et varier, autant que faire se peut, les destinataires ». C’est ainsi que nous pouvons, tout au long de ces 648 pages, lire ou plutôt écouter Flaubert, comme en temps réel ou en direct, presque jour après jour, de novembre 1838 (il se trouve en classe de Rhétorique, comme on disait alors, au collège royal de Rouen) au 4 mai 1880 : il écrit à Maupassant pour lui dire son dégoût de l’Exposition (« Elle m’emmerde d’avance, et j’en dégueule d’ennui, par anticipation ») et le féliciter (« Huit éditions des Soirées de Médan  ? Nom de Dieu ! Les Trois Contes en eut quatre. Je vais être jaloux. »). Il meurt subitement, quatre jours plus tard, d’une hémorragie cérébrale.
Comme ces courtes citations peuvent le laisser deviner, Flaubert, dans chacune de ces lettres, se donne tout entier, jamais ne se contient, jamais il ne prend la pose ou dissimule, jamais il ne va consentir à se « châtrer » – c’est une des expressions qu’il affectionne. Il s’emporte et éructe puis il se confie et mélancolise, il rêve de voyages impossibles puis pleure sur l’interminable pluie normande, il rend hommage à Sade et truffe ces pages de « vit » et de « foutre » puis se peint en « vieux troubadour » – c’est ainsi qu’il signe ses lettres à Georges Sand – que les femmes n’ont pu que faire souffrir. Lui qui contrôle le moindre mot dans ses œuvres, qui chasse les conjonctions répétitives et passe chacune de ses phrases à l’épreuve du « gueuloir » pour éliminer toute allitération ou assonance gênante, il est ici comme en roue libre et sa langue est alors d’une richesse et d’une inventivité réjouissantes, comme si Rabelais et Montaigne, Voltaire et Chateaubriand, tout à tour, se mêlaient dans cette rhapsodie énergique. Élisabeth Brunet, dans sa préface, précise ainsi que ces lettres « nous parviennent dans un état d’absolue fraîcheur d’iode, toutes grouillantes comme un panier d’étrilles », autoportrait toujours recommencé de l’écrivain « neurasthénique professionnel, champion de l’humeur noire, mais si touchant dans ses amours (…) grande carcasse qui perdait ses dents, perdait ses cheveux, perdait ses forces, mais garda jusqu’au bout sa lucidité grognonne et sa verve découragée ».
Le lecteur trouvera bien sûr ici les lettres les plus célèbres, celles du voyage en Orient, celles qu’il adressa à Louise Colet durant la longue et douloureuse gestation de Madame Bovary ou à George Sand dans les affres tout aussi terribles (mais en même temps vivifiantes) de l’écriture de L’Éducation sentimentale puis du roman qu’il jugeait infaisable de ceux qu’il appelait ses « deux bonshommes », Bouvard et Pécuchet. Nombre d’entre elles constituent également comme un panorama (alors à la mode) de son temps, qu’il ne cesse de scruter, mêlant l’humour – noir – à la détestation, et allant jusqu’au désespoir quand à la guerre de 1870 succèdent la défaite, la Commune et la répression. Il écrit alors : « L’odeur des cadavres me dégoûte moins que les miasmes d’égoïsme s’exhalant par toutes les bouches. La vue des ruines n’est rien auprès de l’immense bêtise parisienne ! A de très rares exceptions près, tout le monde m’a paru fou à lier ». Que dirait-il de notre présent ?

Thierry Cecille

La Passion des lettres. Correspondance choisie 1839-1880
Gustave Flaubert
Texte établi par Élisabeth Brunet.
Éditions Élisabeth Brunet, 648 pages, 24

Le vieux troubadour Par Thierry Cecille
Le Matricule des Anges n°231 , mars 2022.
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