La lettre de diffusion

Votre panier

Le panier est vide.

Nous contacter

Le Matricule des Anges
ZA Loup à Loup 83570 Cotignac
tel ‭04 94 80 99 64‬
lmda@lmda.net

Connectez-vous avec les anges

Vous n'êtes actuellement pas identifié. Pour pouvoir commander un numéro, un abonnement ou bien profiter, en tant qu'abonné, des archives en ligne, vous devez vous connecter avec votre compte.

Retrouver un compte

Vous avez un compte mais vous ne souvenez plus du mot de passe ? Vous êtes abonné-e mais vous vous connectez pour la première fois ? Vous avez déjà créé un compte, peut-être, vous ne savez plus trop ?

Créer un nouveau compte

Vous inscrire sur ce site Identifiants personnels

Indiquez ici votre nom et votre adresse email. Votre identifiant personnel vous parviendra rapidement, par courrier électronique.

Informations personnelles

Pas encore de compte?
Soyez un ange, abonnez-vous!

Vous ne savez pas comment vous connecter?

Poésie Dénouer Möbius

février 2022 | Le Matricule des Anges n°230 | par Emmanuel Laugier

Deux livres de lecteurs qui inventent des façons d’exposer les traces mnésiques de leurs lectures. Réflexion sur une expérience existentielle.

Les Grandeurs intensives, chapitre deux

Les exercices de la critique sont au mieux des « test solitaire » de la lecture, pour reprendre un mot-nouage d’Emmanuel Hocquard, par lesquels c’est une herméneutique qui se construit, une analyse de l’acte même, mystérieux, magique, incroyable, du déchiffrement que la lecture semble être d’abord. Mais par cet acte, qui est passé dans sa longue histoire, de la lecture orale à celle silencieuse et solitaire, c’est aussi un déplacement de soi vers un autre espace qui se dessine. Que dit-on lorsque nous lisons de ce qui ne nous appartient pas ? Qu’entendons-nous de celui qui écrit dans les mots que nous témoignons de notre lecture ? Si ce n’est l’image de la poupée gigogne qui revient, c’est aussi la figure des « grandeurs intensives » comme « proposition existentielle » que l’on l’entend dans l’expérience décrite par Michèle Cohen-Halimi dans son essai éponyme : « J’ai éprouvé la proposition “je lis” selon une “forme d’existence” précisément congruente au retrait (…). Lire a toujours été pour moi une autorisation d’absence hors du temps, hors de soi – exil, ex illum ». Et plus loin, parmi un phrasé impressionnant par sa justesse et sa densité, entre Walter Benjamin, Adorno et Kracauer, « une espèce d’inquiétude envahit l’échéance du lire. Il y a un pas encore de la lecture, qui s’attend, qui s’annonce. Mais celle-ci n’a de commencement qu’en elle-même  ». Pourtant, précise-t-elle, « il faut aussi renoncer au postulat d’une rencontre unique entre la lecture et le livre, débusquer les fausses évidences passées incognito dans le regard posé sur les premières pages, lire à rebours, briser le tempo des récognitions, aller et venir dans le volume ».
David Lespiau, dans la presque double décennie critique qu’il déploie dans son Journal critique, à la diversité de formes (parfois il s’agit d’approches en poèmes) aussi réjouissante que légère, explique, dans son avant-propos, qu’il n’a jamais tout à fait été question d’écrire des chroniques, mais au travers des 84 textes ici réunis « de lire pour soi, mais par écrit : lire par écrit –, des outils s’esquissent pour préciser des lignes (de sens, de rythme, de sons), des couleurs, des tonalités et des vitesses, des contrepoints et des virages, des motifs entrés en résonance, des structures provisoires (…) ». Bref, des façons d’analyser ses affects en tant que « privé », selon le mot d’Emmanuel Hocquard encore, cette figure en recherche des énigmes du langage. Michèle Cohen-Halimi rappelle elle aussi ce personnage conceptuel du « détective » lorsqu’elle parle de celui qui laisse « vivre hors de lui les causes non-résolues, la langue indéchiffrée du mobile, la main qui écrit, les pages, leur succession, leur mémoire ». Dans Les Grandeurs intensives, chapitre deux, neuf lectures choisies (des Poèmes de cuisine de J.-H. Prynne à C. Dotremont, B. Collin, E. Hocquard ou P. Rottenberg) suivent le prologue. Et « plutôt qu’un récit, écrit Cohen-Halimi, c’est une dramatique du langage (du lecteur) dans la lisibilité (du livre) qui s’engage  ». David Lespiau accomplit lui aussi ce geste, avec une joie enfantine qui la déconstruit et la déplace et, de série en série, lui offre une chambre d’écho exposée au « dehors ». On ne peut que citer quelques noms qui, de Tarkos, Dickinson, qui ouvrent l’opus, vont jusqu’à nous faire entendre la tessiture des voix d’Anne Portugal, Paulhan, Fourcade, Luca, Silliman, Spicer, R. Waldrop, Lacoue-Labarthe ou encore Echenoz, Esteban, Giroux, Thoreau, A. Parian et V. Pittolo… ; et ce « pour chercher un refuge ou pour entrer dans (une) propre invisibilité  » (Cohen-Halimi) et attendre, comme en un rêve, écrit Lespiau, que les auteurs se mettent « à parler entre eux (…) ; en imaginant la mise en place d’un jeu de reflets, de miroitements, dans lequel un lecteur pourrait chercher une forme ». Une forme de vie, indéniablement.

Emmanuel Laugier

Les Grandeurs intensives, chapitre deux
Michèle Cohen-Halimi
Eric Pesty, 96 pages, 15

Journal critique. Poésie contemporaine 2001-2018
David Lespiau
Héros-Limite, 374 pages, 28

Dénouer Möbius Par Emmanuel Laugier
Le Matricule des Anges n°230 , février 2022.
LMDA papier n°230
6,50 
LMDA PDF n°230
4,00