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Égarés, oubliés Bohème un jour, bohème toujours

novembre 2021 | Le Matricule des Anges n°228 | par Éric Dussert

Fils de peintre, Lucien Aressy, ex-étudiant en médecine, aura voué sa vie durant un culte aux arts et aux artistes.

La bohème est bien morte, et, contrairement au phénix, elle ne renaîtra pas de ses cendres. » C’est ainsi que Lucien Aressy concluait en 1923 son ouvrage le plus fameux consacré à La Dernière Bohème (Jouve ; rééd. 1944). Bien certain que ses jeunes années ne reviendraient pas, il y évoquait la bohème qu’il avait connue durant ses propres quarante premières années (il était né le 20 septembre 1883 à Paris), et celle dont il n’avait pu avoir qu’un écho puisqu’elle appartenait à Paul Verlaine et à ses contemporains. Son cheminement mémoriel menait Aressy de Verlaine au groupe de l’Abbaye et de Montmartre à Montparnasse. De Cazals à Foujita en somme. Des « visages et reflets d’un temps » dont il n’avait pu connaître les prémices : Henry Murger était bel et bien enterré depuis 1861 et Aressy n’avait que 13 ans au moment des obsèques de Verlaine en 1896. Il en avait fort bien connu les développements ultérieurs en revanche, et, en compagnie de Gabriel de Lautrec, Alexandre Mercereau et de quelques autres, avait su animer la vie littéraire et nocturne d’alors. Il en tracera même le livre d’or en copiant ostensiblement le modèle de Les Nuits, les ennuis et les âmes de nos plus notoires contemporains (Perrin, 1896) du caricaturiste Ernest La Jeunesse (1974-1917) : son enregistrement des faits mémorables de son temps s’intitulera Les Nuits et les ennuis du Mont-Parnasse (Jouve, 1928) et sera agrémenté des dessins de F. A. Cazals et Marie, de Fernand Fau, d’Ibels et de quelques écrivains à la plume souple, sous la bienveillante introduction de Foujita. Ah, les riches heures du Petit Napolitain où régnait Gabriel de Lautrec, celles de ce Montmartre enfui où gyrovaguaient Marthe Dupuy la poète ésotérique, Gaston Picard l’enquêteur, de Paul Yaki et Aressy, « moitié peintre, moitié écrivain… moitié médecin »
Finaud, un rédacteur de Paris-Soir fait le constat en 1924 que la dernière bohème d’Aressy sera probablement l’avant-dernière. Tant que les artistes aimeront leur activité et leur liberté, il est probable que tracas financiers et nuits festives seront nombreux. « Où commence la bohème ? où finit-elle ? s’interroge Léopold Lacour en rendant compte du livre d’Aressy dans le Figaro littéraire. Ce serait un beau sujet d’enquête psychologique et sociale. On est bohème par l’âme quand on souffre atrocement, comme Gautier, d’avoir à tourner “la meule du feuilleton”, quand on a envie, comme Mallarmé, de se jeter à l’eau toutes les fois que l’on se rend à son poste de professeur.  » (« La bohème qui travaille », 2 janvier 1924) C’est une façon de voir que Murger avait tordue au préalable en ne proposant que des artistes et poètes miteux, ratés, voire ridicules dans ses célèbres Scènes de la vie de bohème (1851). Bienveillant, Lucien Aressy voulait rendre, lui le fils de peintre, une idée du « charme de la vie d’artiste », et ça n’est pas un hasard s’il habitait à la fin de sa vie Cité Montmartre aux Artistes, rue Ordener, à Paris.

Dans La Terrasse du Luxembourg (Arthème Fayard, 1945), le chroniqueur André Billy se souvenait du jeune Aressy, blondinet encore, et bohème fort accueillant dont les études de médecine ne semblaient pas une priorité très… prioritaire. Il avait commencé tôt, vers sa dix-huitième année si l’on en croit les sources. Dès janvier 1901, on trouve sous sa signature des « Types du Quartier » dans L’Étudiant, écho du quartier latin. Une « Débutante » y vit de rêve à trépas en un feuillet ponctué de « … » qui s’achèvent dans les quintes de toux. Après Paul de Kock mais avant L.-F. Céline, Aressy usait du « … », c’est à noter. Dans La Grimace (1919), il place plus tard de la critique d’art et des portraits biographiques de dessinateurs et de peintres, dans L’Alliance littéraire de Mercereau des articles critiques sur la vie de l’interprofession et les propositions sociales de Léon Xanrof, soutenues plus tard par Romain Coolus, sur les retraites et autres mesures de soutien à l’Artisanat des Travailleurs intellectuels (CTI, ATI, CORTI).
Outre un dernier essai sur les derniers jours de Baudelaire, Lucien Aressy aura l’occasion de mener avec son proche Antoine Parménie (1880-1961) un documentaire sur La Cité des épaves (Éditions littéraires et artistiques, 1943) dans un livre qui manquât sortir le jour de la déclaration de guerre. Les deux amis de toujours évoquaient là les puces parisiennes où, justement, se retrouve toujours une grande partie de l’ouvrage des artistes-peintres qui n’ont pas rencontré le succès. Un peu avant Jacques Yonnet (Rue des maléfices), tout juste après Louis Guilloux (Chroniques de Floréal), Lucien Aressy explorait le côté face d’une pièce dont il avait jusque-là donné à voir la figure rayonnante, sans trop s’appesantir sur la misère qu’avait bien étalée Murger au crayon gras. Leur successeur sur le terrain des puces, Anatole Jakovsky (1907-1983) ne leur en saura pas gré (Paris, mes puces. Voyage au pays de décevants mirages, Les Quatre Jeudis, 1957). Sévère, le promoteur de l’art naïf leur taillera un costume pour la peine. Mais Lucien Petrus Émile Joseph Jean Marius Aressy avait alors d’autres chats à fouetter. Après une jeunesse endiablée et deux mariages (Jeanne Florence Locard en 1911 et Marie Ernestine Perraud en 1923), il allait s’éteindre le 13 avril 1962 dans le XVIe arrondissement de Paris. Son ami Fernand Deray nous a laissé à l’aquarelle son portrait.

Éric Dussert

Bohème un jour, bohème toujours Par Éric Dussert
Le Matricule des Anges n°228 , novembre 2021.
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