L'héritage Commune
- Présentation Tombeau d’un monde rêvé
- Autre papier Fouteurs de bordel, par Arno Bertina
- Autre papier La femme s’offre à la Commune, par Dominique Sigaud
- Entretien L’origine du chaos
- Autre papier Le premier mort de la Commune, par Pierre Vinclair
- Autre papier Un temps de repentis, par Michel Surya
- Autre papier Plaque de verre, par Nathalie Quintane
- Entretien Le rêve des reclus
La Commune est un moment extraordinaire ; à l’inventivité politique des communards a répondu une répression militaire et mémorielle très efficace puisque c’est un des événements les moins connus de l’histoire de France. L’anniversaire de ses 150 ans n’a pas été l’occasion d’un rééquilibrage ; des voix se sont élevées pour contester qu’il y ait à commémorer, et les tartuffes qui ont organisé des hommages aux communards se sont trompés. La mairie de Paris, par exemple, qui la même semaine aura organisé un hommage à Louise Michel ET la répression, sans discussion, d’une manifestation d’éboueurs – hommes et femmes pourtant mis à rude épreuve depuis le confinement de mars 2020. La fidélité aux insurgés de 1871 supposait pourtant qu’on respecte la détresse de nos contemporains… Trois choses ne sont pas pardonnées aux communards.
1) Avoir déshabillé le personnel politique de l’époque – en ne voulant pas rendre les canons, les Parisiens disaient à quel point ils soupçonnaient les élus d’être capables de s’entendre avec l’armée prussienne.
2) Avoir prouvé que l’homme n’est pas un loup pour l’homme en faisant voter des mesures démocratiques, égalitaristes et féministes (avant l’heure).
3) Avoir été capables de s’insurger et de se sacrifier pour ces grandes idées, avoir fait couler le sang pour qu’advienne une société plus juste – ce qui revenait à reprendre le flambeau de la Révolution française.
La répression fut spectaculaire (les historiens parlent de 8000 morts pour la seule Semaine sanglante), mais il fallut encore l’assortir d’une condamnation morale des crimes de la Commune. Inutile d’entrer dans une bataille des chiffres, elle est toujours perdue ; pour peu que les opprimés aient exécuté un seul représentant de l’ordre en place il se trouvera toujours des gens pour justifier que mille insurgés soient fusillés.
Les représailles militaires et la condamnation morale expliquent en grande part le discrédit radical de l’action violente, en France, tout au long du vingtième siècle. Les forces de gauche n’ont jamais pu recourir à l’action violente, en quelque sorte. L’épuration n’eut pas lieu en France comme elle eut lieu en Italie, où elle ne visa pas les femmes à tondre mais les grands bourgeois complices du régime fasciste. Et quand apparut Action Directe, à la fin des années 70, on sut vite qu’ils disposaient de peu de soutiens dans la population – à la différence des Brigades Rouges en Italie et de la Fraction Armée Rouge en Allemagne.
Mais si la voie violente est barrée force est de constater que la voie réformiste l’est tout autant. Je termine ces jours-ci un livre que les éditions Verticales publieront en octobre prochain, Ceux qui trop supportent. En Creuse, à La Souterraine précisément, se trouve une usine qui aura changé dix fois de propriétaires entre 1991 et 2017. Elle est connue sous le nom de GM&S, c’est l’étiquette qui était la sienne au moment de la dernière catastrophe en date : un Plan de...