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Domaine étranger Le prix de la liberté

février 2020 | Le Matricule des Anges n°210 | par Thierry Guinhut

De la difficulté de l’indépendance, par Marlen Haushofer, l’auteure du Mur invisible.

Comme l’arbre qui cache la forêt, Le Mur invisible (Babel, 1992) est le roman qui éclipse tous les autres écrits par l’Autrichienne Marlen Haushofer (1920-1970). Ce récit d’une femme isolée par un immense « mur invisible » dans sa ferme de montagne est d’une intensité fantastique et poétique troublante. Une autre femme relit Dans la mansarde les pages de son journal, et sa claustration est également la métaphore d’une farouche indépendance, cette fois désirée. Sur une autre gamme, c’est ce que l’on retrouve dans un roman, publié en 1955, qui attendit jusqu’à cette année pour être traduit sous le titre d’Une poignée de vies, exactement conforme à l’original allemand.
Une dame d’âge mûr revient dans sa maison familiale pour la racheter, en laissant les précédents propriétaires, qui ne la reconnaissent pas, en jouir encore. C’est en toute discrétion que lors de ses 45 ans Betty apparaît. Ne pense-t-on pas Elisabeth morte ? C’est en feuilletant des lettres et des photographies oubliées dans un tiroir que le passé reprend ses droits. Remonte à la surface une petite fille qui libère les crabes et tombe amoureuse d’une boîte à bijoux, dans une chambre où règne une « amitié dorée ». Mais aussi une Elisabeth adolescente, pleine d’inquiétudes, de fantasmagories et de sagesse précoce et révoltée, dans un internat religieux parmi les années 1920.
Être assaillie par deux jeunes filles amoureuses n’a rien de confortable, au point de penser que l’on a peut-être « le mal  » en soi, surtout lorsque l’on est convoquée par « un collège de juges » pour se voir reprocher de ne s’attacher à aucune amie. Mais à son tour elle succombe au charme grec et sévère de sa professeure Elvira, quoique de manière éphémère. Plus tard, elle rompt ses fiançailles avec Günther, pour garder sa liberté, sa vérité. Son mariage avec Anton, qu’elle appelle Toni, même s’ils ont un enfant, même s’il incarne parfois « la tendresse gaie », n’a pas à ses yeux une importance fondamentale. Son escapade adultère avec Lenart, « grand animal triste », n’est qu’une rencontre récurrente, à la longue angoissante, avec un homme doué d’« un sentiment de domination », et avec ce qui, bien que paisible, n’est pas de l’amour, mais « l’emprise d’une violence qui avait fait d’elle son objet ».
La chronique de cette femme à laquelle l’on fait trop la cour, en quelque sorte victime de sa beauté, étouffée par la société qui l’entoure, qui « ne pouvait pas supporter d’être la possession d’une autre personne » et qui est « privée de ce minimum de solitude qui pour elle était vital », est poignante. Parcourue par « une soif d’inatteignable », elle est une image de la condition humaine, contrainte par des conventions sociales, voire une énigme existentielle : « Elle se vivait comme une parcelle infime du grand tourment de millions de vivants, de morts et de pas-encore-nés jusqu’à en oublier qu’elle était Elisabeth, une personne persuadée jusqu’à présent de son unicité ». Faut-il lire ce roman comme le ferait un psychiatre, devant un cas d’angoisse, ou comme un apologue sur la liberté ?
Au moyen d’un narrateur omniscient, l’écrivaine use de mille finesses pour raconter cet intense drame. L’écriture, douée de sensualité et d’acuité, est aussi exacte psychologiquement qu’intense poétiquement. Une vie fatiguée par le monde ambiant et sa « poignée de vies » adjacentes n’ont pas de peine à se cristalliser dans l’esprit du lecteur, et ce d’une manière durable. Alors que Le Mur invisible était en 1963 une pure fiction fantastique (précédent subtil du plus lourd Dôme de Stephen King en 2009), et puisque Marlen Hausofer a fréquenté le pensionnat des Ursulines de Linz, il n’est pas impossible d’imaginer qu’il s’agisse là d’un roman autobiographique.

Thierry Guinhut

Une poignée de vies, de Marlen Haushofer,
traduit de l’allemand (Autriche) par Jacqueline Chambon,
Chambon, 192 pages, 19

Le prix de la liberté Par Thierry Guinhut
Le Matricule des Anges n°210 , février 2020.
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