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Histoire littéraire L’intelligence en marche

janvier 2020 | Le Matricule des Anges n°209 | par Thierry Cecille

Loin de n’être qu’un tombeau, une anthologie peut aussi être une carrière où trouver les matériaux pour, demain, penser et construire : c’est bien ce que nous offrent ces mille pages des Lettres françaises.

Les Lettres françaises : 50 ans d’aventures culturelles

Ces années-là étaient cruelles – et troubles : Jean Paulhan, désireux de préserver Gallimard dans la tempête, laissait Drieu la Rochelle faire de La NRF une revue collaborationniste mais, dans son bureau adjacent, entrait dans la Résistance. Parmi ses activités et projets nombreux, il soutenait Jacques Decour qui préparait un journal clandestin. Le premier numéro des Lettres françaises vit le jour en septembre 1942 – mais Jacques Decour, lui, était mort, torturé par les Allemands puis fusillé. Rapidement, sous la direction de Claude Morgan, ce journal s’installa dans le paysage alors mouvant, chaotique, mais salvateur de la presse clandestine. Eluard, Aragon, les écrivains alors publiés par les récentes Éditions de Minuit, puis d’autres membres du Comité National des Écrivains y participèrent. 1600 numéros allaient suivre – de 1942 à 1972 principalement (sous la direction effective d’Aragon à partir de 1953), puis, grâce à l’acharnement de Jean Ristat, de 1989 à 1993 et depuis 2004 jusqu’à aujourd’hui.
Il était devenu difficile de se faire une idée de ce qu’avaient pu, au vrai, contenir ces milliers de pages : seule la célébrité de certains collaborateurs avait permis à quelques textes anciens d’échapper à l’oubli – ainsi de cette « République du silence », fameux article de Sartre du 9 septembre 1944, qui avait pour incipit paradoxal et provocateur : « Jamais nous n’avons été plus libres que sous l’occupation allemande  ». La présente anthologie nous permet donc de plonger dans ce passé que l’on aurait pu croire lointain mais qui s’avère nous parler encore. Le plan, à la fois thématique (poésie, roman, théâtre, cinéma, arts, idées, positions…) et chronologique, permet à chacun de faire son choix.
Prévenons dès l’abord les esprits prévenus : hormis dans quelques malencontreuses occasions – l’affaire Kravchenko ou le procès gagné par David Rousset – « plus qu’un relais instrumental ou le simple porte-voix des résolutions du Bureau politique, le journal s’inscrit dans une culture politique communiste lato sensu  », ainsi que le précise Guillaume Roubaud-Quashie, maître d’œuvre de cette édition. Sans doute la présence tutélaire et vigilante d’Aragon fut-elle la raison principale de cette indépendance et, surtout, de cette sorte de curiosité omnivore, disproportionnée, presque démesurée qui est ici manifeste. Nous pouvons donc aller chercher dans ces pages des monuments de l’effervescence de ces « 50 ans d’aventures culturelles ». Le structuralisme régnait : de passionnants entretiens avec Barthes, Lévi-Strauss, Foucault ou Benveniste témoignent de ce qu’il fut, dans toutes ses nuances et richesses. La grande lueur à l’Est s’assombrissait : Aragon incite à lire L’Aveu d’Artur London, terrifiant récit des tortures infligées par un régime communiste à l’un des siens et Elsa Triolet fait l’éloge d’Une journée d’Ivan Denissovitch de Soljenitsyne, car « la vérité seule (est) nécessaire, quelle qu’elle soit, dans toute sa brutalité  ». Nombreuses sont également les surprises qui nous attendent : ainsi de cet article de Cocteau sur «  la voix de Piaf  » ou de celui d’Annie Ernaux s’interrogeant : «  La pornographie a-t-elle encore un sens ? »…
Mais nous pouvons aussi y lire des interrogations qui sont encore les nôtres, des projets qui sont demeurés lettre morte, des propositions ou des espoirs que certains, demain, pourraient reprendre à leur compte. Les articles de Georges Sadoul interrogent ainsi sur ce que peut être la spécificité du langage cinématographique et, de même, la question d’un théâtre populaire est, elle, toujours d’actualité : comment une « parole critique  » pourrait-elle s’y faire entendre en nos temps où elle est si nécessaire ? Enfin, loin de s’en tenir à une obéissance aveugle aux canons du réalisme socialiste, nombreux sont les collaborateurs – Aragon, là encore, le premier – qui s’efforcent de penser les pouvoirs du roman, les secrets de la poésie, d’imaginer une littérature qui, en même temps, nous enrichisse et nous émancipe.
Thierry Cecille

Les Lettres françaises : 50 ans d’aventures culturelles,
de Guillaume Roubaud-Quashie
Éditions Hermann, 1025 pages, 45

L’intelligence en marche Par Thierry Cecille
Le Matricule des Anges n°209 , janvier 2020.
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