Dans ces temps d’urgence climatique, voici une pièce qui résonne fortement. Elle met en jeu trois personnages âgés d’une soixantaine d’années, ayant travaillé dans une centrale nucléaire. Il s’agit d’Hazel et de Robin, un couple aujourd’hui à la retraite. Ils reçoivent la visite surprise de Rose, une ancienne collègue qu’ils n’ont pas vu depuis trente-huit ans, ayant eu par le passé une relation amoureuse avec Robin. Pourquoi Rose est-elle revenue ? La tension grandit. Le lecteur pénètre petit à petit au cœur du drame. Au début, l’auteure nous parle d’une maison un peu inclinée, d’un sol qui s’érode. Et puis le scénario se précise. Comme à Fukushima, un tremblement de terre suivi d’un tsunami a fait exploser la centrale nucléaire voisine. Le couple semble pourtant conserver un semblant de normalité : Hazel pratique son yoga tous les jours, tandis que Robin dit continuer à s’occuper de sa ferme, bio la ferme ! Mais l’arrivée de Rose va tout faire exploser. Elle est là pour former une équipe d’une vingtaine de personnes, âgées de plus de 60 ans, afin de remplacer les jeunes qui essaient de gérer la situation dans la centrale. Elle vient pour une bonne cause, mais en même temps ce n’est pas si simple, est-ce qu’elle n’est pas là pour détruire Hazel et le couple qu’elle forme avec Robin ?
Lucy Kirkwood met une grande tension dans les dialogues avec beaucoup d’ironie mordante, de provocation, de jeu entre les personnages. Et un sens du rythme très aiguisé. La ponctuation sert la musique de la pièce. Des virgules, tirets ou barres obliques indiquent des superpositions ou des interruptions plus ou moins importantes. Les personnages se coupent la parole, leur pensée se bouscule. Ils se débattent entre la peur, la culpabilité, la question de comment agir face à une catastrophe nucléaire et de leur responsabilité face à la jeune génération, leur désir de vivre, le sentiment de vieillissement et de descente vers le cercueil. C’est comme un moment de vérité face à la mort qui les guette et ils nous renvoient un miroir implacable sur notre propre capacité d’action face aux défis environnementaux.
Laurence Cazaux
Les Enfants, de Lucy Kirkwood
Traduit de l’anglais par Louise Bartlett,
L’Arche, 96 pages, 13 €
Théâtre Satire écologique
juin 2019 | Le Matricule des Anges n°204
| par
Laurence Cazaux
Un livre
Satire écologique
Par
Laurence Cazaux
Le Matricule des Anges n°204
, juin 2019.