C’est à midi précis que Najda Kermarrec saura si elle est sélectionnée dans l’équipe Espoirs de football féminin pour la prochaine coupe du monde qui aura lieu en Bretagne, et surtout à Saint-Malo, d’où elle est originaire. Il est, au début de la pièce, 11 heures du matin. En attendant le verdict, elle décide de réaliser une capsule temporelle : un message qu’elle adresse à celle qu’elle sera dans dix ans, et dans lequel elle se raconte, se présente, se souvient. Dans lequel elle considère la femme qu’elle sera comme vraiment une autre. Une dont elle ignore tout mais qu’elle met en garde : « Najda, écoute-moi bien : j’espère que tu es à la hauteur. Sinon gare à tes fesses, j’arrive et tu auras affaire à moi. » La méthode est simple, il s’agit de faire l’état des lieux, « Pour qu’une fois le message reçu, dans plusieurs années, on mesure le chemin parcouru, on fasse un point sur sa vie. » Et donc, elle se raconte : petite vie tranquille dans une petite ville au nom évoquant les corsaires et l’aventure mais qui se révèle plutôt désespérante pour une jeune fille. Petite vie tranquille entre papa et maman : « je me rangeais parmi les autres je ne dé-rangeais rien ni les objets ni les gens, je parlais quand on m’interrogeait. » Et puis le choc, la découverte, la révélation qui fait que toute une vie bascule ; un choix qui engage l’avenir et Najda dans le monde des émotions, des angoisses, des rires et des pleurs, du dépassement de soi : la rencontre avec le ballon de football de son frère. Et rien ne sera plus comme avant.
Dans ce témoignage, ce récit de vie porté par une écriture joyeuse et légère, limpide, Najda s’entoure des femmes qui l’ont précédée, sa mère, et surtout Gran-Ma, sa grand-mère qui seule va encourager sa vocation. Avec leurs envies, leurs rêves qui les maintiennent debout et vivantes. Elle les fait siens : « Je nage dans la langue des femmes avant moi une eau sans fond sans rives une eau protectrice. » Ce monologue où il est question d’un devenir de femme nous raconte l’incertitude, le doute et aussi l’immense espoir que porte l’avenir. Nous accompagnons Najda en espérant qu’elle réussisse. À midi elle saura. Et nous avec…
Patrick Gay-Bellile
Espaces 34, 48 pages, 12 €
Théâtre Midi nous le dira, de Joséphine Chaffin
juin 2019 | Le Matricule des Anges n°204
| par
Patrick Gay Bellile
Un livre
Midi nous le dira, de Joséphine Chaffin
Par
Patrick Gay Bellile
Le Matricule des Anges n°204
, juin 2019.