Ce sont les années 70 finissantes, le choc pétrolier a eu lieu, Giscard en a fini de manger chez l’habitant sous le regard complice des caméras. À Longwy, à Villerupt, les aciéries prennent le virage de la modernité. Financière, s’entend. Celle qui met les hommes à la rue et les héritiers au sommet des plus grandes fortunes. C’est la guerre, avec d’un côté les syndicats, la « Cégété » d’abord, le « Parti » et de l’autre les Seillière (« Ernest-Antoine Seillière (…) un type donc sans aucune expérience du fer, de l’acier ou de quelque métal que ce soit, si l’on exceptait les cuillères en or et en argent qu’il avait eues en bouche à la naissance »), les Labbé, les De Wendel, ces hommes soutenus par les cabinets ministériels, ces vieilles familles de l’industrie lourde, ces fils programmés pour mettre à la rue des milliers d’ouvriers et s’en frotter les mains comme des maquignons après une bonne affaire. Une guerre à laquelle participent « les camarades » Ingargolia, Severino, Brunery, Ravera, Keller et d’autres. Une guerre qu’a couverte le journaliste François Salvaing, mais ça ne s’appelait pas une guerre, évidemment. H. S. est le roman, non de ce conflit en Lorraine, mais de sa mémoire. Trente ans plus tard, le romancier Salvaing a retrouvé ceux qu’il n’osait plus appeler « camarades ». Dans une brasserie parisienne, dans une brasserie ruthénoise ou en Lorraine, il les rencontre, les fait parler, nous en donne un portrait rapide et pudique où toutefois se lisent les blessures du temps. L’enquête convoque l’Histoire et on la lit à hauteur des hommes et des femmes qui n’y ont pas laissé leur nom. Les perdants n’étant jamais ceux qui l’écrivent, l’Histoire. À cette enquête, François Salvaing a marié la fiction d’une famille, les Jeannelle, d’un amour homosexuel entre Daniel Brambilla et Olivier Jeannelle. Olivier dont on saisit combien lui est vital de fuir le déterminisme de sa naissance. L’écriture est vive, tendue, d’une vélocité qui joue avec la langue comme souvent chez Salvaing. Mais on se demande alors si la fiction et la vitesse ne sont pas un moyen d’échapper aux larmes. T. G.
H.S. de François Salvaing
Arcane 17, 402 pages, 23 €
Domaine français H.S.
novembre 2018 | Le Matricule des Anges n°198
| par
Thierry Guichard
Un livre
Par
Thierry Guichard
Le Matricule des Anges n°198
, novembre 2018.