Littérature et traduction : le goût de l'étranger
- Présentation Le désir de l’autre
- Autre papier Embarcadère pour l’ailleurs
- Autre papier Chambre avec vue
- Autre papier Une communauté polyglotte
- Autre papier L’heure de se rencontrer
- Entretien La Grèce au cœur
- Entretien Veni, vidi, traduci
- Entretien Au cœur de la traduction
- Entretien « L’épreuve du son »
- Autre papier Une langue singularisée
Issues du monde de l’édition, Dorothy Aubert et Marie Tréabol ont créé Belleville éditions pour mettre en valeur des œuvres de littérature traduite en provenance de zones linguistiques délaissées par le milieu éditorial français. Ces langues sous-représentées sont assez nombreuses pour laisser un large champ d’activité à ces deux fines mouches qui ont mis au point leur propre méthode d’approche des œuvres à inscrire à leur catalogue : adeptes du « do it yourself », ces voyageuses ne se sont laissé proposer le menu par personne en dénichant sur place et par leurs propres moyens les auteurs et les livres les plus dignes d’être présentés au public français. Turquie, Brésil, Egypte, Moldavie… Jusqu’à présent les pays explorés sont peu nombreux mais l’enseigne de leur maison, inspirée de leur quartier parisien, laisse croire que langues et ethnies vont foisonner sous peu à leur catalogue. Et puis l’énergie des deux jeunes femmes est susceptible de faire jaillir l’eau au milieu du désert : ce fut le cas pour Sainte Caboche, le roman de la Brésilienne Socorro Acioli, auquel presse et libraires ont fait un accueil remarquable.
Organisée en mode « traque », la maison était présente à la toute récente foire de Sharjah aux Émirats arabes unis – pays de la Sharjah Book City, projet faramineux de ville du livre destiné à concurrencer et la Foire de Francfort et les imprimeurs chinois – on peut parier que le monde arabe sera prochainement parmi les nouveautés de Belleville éditions. Compte-rendu de voyage…
L’idée d’une prospection sur le terrain, comment vous est-elle venue ?
Assez naturellement. Nous sommes toutes les deux de grandes voyageuses. Et nous avons pour habitude, avant de partir, d’explorer la culture des pays auxquels nous nous intéressons. Cela passe par toutes les formes d’expression artistique : le cinéma, la musique, la photo… et bien sûr la littérature. Rapidement, il nous est apparu qu’il était difficile pour certains pays de trouver des voix contemporaines capables de satisfaire notre appétit. Prenons l’exemple de la Turquie, un pays qui nous fascine. Le lectorat français connaît finalement assez peu d’auteurs. Longtemps, Orhan Pamuk a été l’écrivain turc par excellence. En tant que prix Nobel bien sûr, mais aussi par sa langue, ses thématiques. Nous sommes de grandes admiratrices bien entendu, mais nous ne nous y retrouvions pas. Ses romans ont pour décor la bourgeoisie stambouliote, les personnages principaux sont des hommes… Autant de choses qui nous laissaient penser qu’il existait forcément d’autres auteurs plus populaires pour parler de leur Turquie. Ce n’est donc pas un hasard si notre premier livre a été écrit par une féministe turque d’une trentaine d’années, très engagée socialement, aussi musicienne et danseuse. Nous souhaitons proposer des auteurs capables de raconter ceux dont on parle peu : les minorités, les plus modestes, les femmes… Nous avons à cœur de défendre une culture populaire et...