Voici deux « Petites pièces mexicaines » éminemment politiques qui s’indignent du sort infligé aux enfants lorsqu’ils sont privés de leur enfance, privés d’éducation, de protection et d’amour. Des larmes d’eau douce prend la forme d’un conte. Dans un pays menacé par la sécheresse, une petite fille, Sofia, se fait exploiter par tout un village. Depuis la mort de sa mère, elle pleure abondamment des larmes d’eau douce qui peuvent se boire. Le village s’évertue à la faire pleurer pour réaliser un commerce très lucratif. Sofia va finir par dessécher comme une fleur. Jaime Chabaud alterne dans son écriture des parties prises en charge par une narratrice, une grand-mère, et des séquences courtes, le plus souvent chorales, destinées à être jouées par des marionnettes, représentant tout le village avec les bigotes, le maire, le curé, le père de Sofia. La pièce fait un peu penser à L’Incroyable et Triste Histoire de la candide Erendira et de sa grand-mère diabolique de Gabriel García Márquez.
Le second texte du recueil, Papa est dans l’Atlantide, met en scène deux frères de 11 et 5 ans. Leur père, parti chercher du travail à Atlanta, les confie à leur grand-mère et à un oncle. Mais ils ne sont pas vraiment les bienvenus. Alors, face à l’abandon, aux non-dits, au manque d’amour, à la privation de l’école, les deux frères décident de s’enfuir pour retrouver leur père. D’autant que le plus petit imagine Atlanta comme l’Atlantide, un endroit merveilleux où tous les gens seraient heureux. Mais ils ne vont pas survivre à la traversée du désert. La pièce est bouleversante. Ces deux-là sont seuls au monde. Ce sentiment est renforcé par l’écriture. Il n’y a aucune didascalie, aucun nom de personnage, seulement une parole qui se distribue avec deux signes ou >. Une parole pour porter les rêves bafoués de ces deux enfants confrontés à la violence du monde.
Jaime Chabaud écrit : « Nous continuons à croire que le théâtre change le monde, peu à peu, comme la goutte d’eau use et perce la roche tout au long des années. » Ces deux textes forment de belles gouttes d’une eau pas si douce que cela… L.Cazaux
Des larmes d’eau douce, de Jaime Chabaud et Papa est dans l’Atlantide de Javier Malpica, traduit de l’espagnol (Mexique) par Francoise Thanas, Théâtrales jeunesse, 126 pages, 10 €
Théâtre Bleus foncés
novembre 2017 | Le Matricule des Anges n°188
| par
Laurence Cazaux
Bleus foncés
Par
Laurence Cazaux
Le Matricule des Anges n°188
, novembre 2017.