Serait-ce outrepasser Dieu que de plonger dans l’Omniscience ? Goan Si travaille au « Service la mémoire », comme « data scientist ». Plonger dans l’océan de l’archivage et de l’information n’est pas une métaphore, il y faut un scaphandre sans failles. Là, en suivant des fils narratifs, il est possible de lire aussi bien « la découverte d’une nouvelle planète, ou le secret cochon d’une sénatrice ». Nous sommes quelque deux siècles en avant, quand le papier et le numérique ont été remplacés par un immense réseau dans un dangereux bassin.
Autour, ils sont une dizaine de personnages à croiser leurs histoires, entre banalité du quotidien et effroi de ce nouvel univers, dont un « archéologue clochard », un « ver de métal » qui use de la parole. Turmdjik chapeaute le Service en physicien familier du Big bang et des trous noirs, dont l’Omniscience est l’équivalent. Un autre révise le statut de l’œuvre d’art. Sans compter la satire de tous ceux qui ne pensent qu’à « accéder à la direction »…
Méditation philosophique plus qu’intrigue, tableau kaléidoscopique de l’intellect étendu à la dimension du monde plutôt que drame, cet étrange roman spéculatif étonne, séduit, jusque dans ses contes emboîtés, venus du glacier ou du désert. On s’interroge : « Une traduction d’une œuvre en numérique était-elle encore l’expression d’une même œuvre » ?
André Ourednik, né en 1978, enseignant à Neuchâtel en Suisse, a quelque chose de l’auteur de Stalker, dans ses explorations de zones inconnues, fantastiques et science-fictionnelles. Avec un talent rhétorique, il multiplie les descriptions concrètes autant que les allusions cultivées (une bibliographie ferme le livre), par exemple à « La bibliothèque de Babel » de Borges : « Ta vie, la mienne : chacune n’est qu’un échantillon infime des combinaisons potentielles de l’univers ».
Thierry Guinhut
Omniscience d’André Ourednik
Traduit du tchèque par Ondrej Sykora,
La Baconnière, 276 pages, 19 €
Domaine étranger Omniscience
octobre 2017 | Le Matricule des Anges n°187
| par
Thierry Guinhut
Un livre
Par
Thierry Guinhut
Le Matricule des Anges n°187
, octobre 2017.