Ulysse, homme, guerrier, voyageur mythique, source inépuisable de cris et d’écrits. « il fallait un homme / qui surpasse les dieux / et qui comme tout homme / loin de sa maison / si souvent en larmes / maudisse la mer vineuse / se griffe le visage ». Elle, elle n’est pas nommée. Ce n’est pas la travailleuse fictive, qui journellement tisse et détisse sa toile. Elle n’a rien d’une potiche. Elle est femme, flamme vive. Elle est l’éternité de l’amour, l’amante éternelle. Elle est chair. Il est sable. Elle éprouve l’hyper lucidité de la sensualité. Il tue, massacre. Pourquoi reste-t-elle anonyme ? Elle implore Ulysse de la nommer. Ce qui irrite le marin. « Te donner un nom quand tu danses dans le noir dans des rues désertes avec de grands chiens ? » Tous deux dialoguent à travers huit chants. Épiques, assourdissants, baroques, fourmillants de plis, de pores, de rides et de sang. « donne-moi un nom que je puisse t’attendre / je serai là, il y aura un miroir / et nous parlerons de toi, moi et l’autre au-dedans du miroir ». Elle finit par se lasser, se sent devenir vieille, sera-t-elle là à son retour ? « Ulysse / ton / nom / est / un / blasphème / et ton amour un dieu d’exil ». Il revient, porte deux ombres, l’une immobile, l’autre jeune encore. « Mais tu n’es pas là / tu me laisses seul avec mes victoires / le récit de la bataille et le récit du retour… » Piètre Ulysse, vieillard radoteur qu’un épilogue réenchantera pour toute une éternité de gloire et d’amour peut-être, « en marge de la mémoire ».
Les vers libres, bilingues, occitan/français d’Aurélia Lassaque (née en 1983) sont portés par un vrai souffle. A contrario d’une poésie occitane peut-être crépusculaire depuis ses origines, elle enfante, sourd, régénère, érotise. Du sang et du lait, du sperme et des larmes, elle offre un vin de vigueur à consommer éperdument.
Dominique Aussenac
En quête d’un visage d’Aurélia Lassaque
Bruno Doucey, 144 pages, 15 €
Poésie En quête d’un visage
juillet 2017 | Le Matricule des Anges n°185
| par
Dominique Aussenac
Un livre
Le Matricule des Anges n°185
, juillet 2017.