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Domaine français Avancer les yeux ouverts

novembre 2016 | Le Matricule des Anges n°178 | par Richard Blin

Derrière les figures grotesques et les mascarades poivrées à la mort noire, que peignait James Ensor (1860-1949), c’est l’homme et son environnement que cherche à rencontrer Benoît Damon.

Quand, en 1880, James Ensor décide de quitter Bruxelles – où il était venu suivre les cours de l’Académie des beaux-arts – pour regagner Ostende, sa ville natale, il a 20 ans et ne croit pas à la notion d’un « beau idéal ». Déterminé à rompre avec l’académisme et la peinture moralisante et didactique des émules de David, il s’aménage un atelier dans les combles de la maison familiale et commence à peindre des portraits réalistes et des paysages prenant le contre-pied des goûts de l’époque. Sans grand succès. Face aux refus qu’opposent tous les Salons à ses envois, il décide alors de répondre par la laideur, l’ironie et la violence. Il peint des scènes épiques et bouffonnes, multiplie les visages fardés et grimaçants, les êtres masqués et les squelettes. Des tableaux-manifestes, des portraits-charge qui fêtent la mort, marient le grotesque et la cruauté comme le cocasse et le désespéré. Ce sera la période la plus créatrice de sa vie.
Dans cette période (1883-1903), Benoît Damon a choisi huit tableaux (reproduits en couleur dans l’ouvrage) comme autant de portes d’entrée dans l’univers d’Ensor. Provoquant, stimulant l’écriture, comme dans l’antique pratique de l’ekphrasis – ces textes qui procèdent d’une image que l’on veut décrire – la scène représentée engendre un texte qui donne vie aux masques, spectres et autres fantoches manipulés que la comédie humaine fait s’agiter sur l’absurde théâtre de la vie. À travers la déformation grotesque – qui agit comme une loupe qui grossirait en déformant – c’est le sentiment de discordance par rapport au réel qu’exploite, que rêve, que fictionne Benoît Damon. Interrogeant l’invisible qui travaille toujours sous ce qui est montré, il extrapole des expériences existentielles, imagine des sources à ces tableaux-théâtre. Ainsi son texte donne à éprouver « le suint presque incolore des existences moutonnières », invite à méditer sur nos propres démons intérieurs ou l’impitoyable « dépeçage galant » qui caractérise les « cuisines de l’amour ». Ce faisant, il retrouve la vie d’Ensor, son enfance dans la boutique de potiches, de coquillages naturalisés et de masques grotesques en carton-pâte, que tenait sa mère ; sa grand-mère folle, son père, « polyglotte, et voyageur audacieux » qui basculera dans l’alcoolisme avant d’échouer dans la boutique familiale «  tenue par des mémères grippe-sous ». Ensor et son rejet de la procréation et de la vie maritale : ne surtout pas devenir « un petit homme anodin, fidèle et sans histoire comme on en voit tant ». Ensor, son Bal du Rat mort et sa solitude « couronnée des épines de l’incompréhension et de la raillerie ». Ensor et sa vie à Ostende, la reine des plages, avec la mer du Nord, les brumes et les lumières d’argent de ses dunes, son casino, ses courses, le jeu.
Derrière la distanciation ironique – celle qui laisse flottantes les cibles visées et invite à reconstituer le, ou les, sens – c’est la façon dont chaque tableau fait signe vers le secret biographique, ou masque sous la dérision une forme de désespoir, voire de l’inavouable, qui intéresse Benoît Damon. « J’ai vu le monde et les hommes. Derrière les faux visages, ils ressemblent souvent à des bêtes », disait Ensor. D’où son choix de dire de biais une certaine réalité, de montrer ce que les conventions sociales ont pour fonction de soustraire au regard, de donner à voir ce que l’art occidental s’est longtemps acharné à refouler : la mort, le sexe et ce climat d’« inquiétante étrangeté » qui relève d’une expérience autre du monde.

Richard Blin


Retour à Ostende, de Benoît Damon
Champ Vallon, 204 pages, 17

Avancer les yeux ouverts Par Richard Blin
Le Matricule des Anges n°178 , novembre 2016.
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