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Égarés, oubliés Femmes, femmes, femmes

février 2016 | Le Matricule des Anges n°170 | par Éric Dussert

Fortunée Briquet avait 22 ans lorsqu’elle publia son magnifique Dictionnaire des créatrices françaises. Évidemment, les femmes ne dessinaient pas encore de BD.

Une récente mascarade a vu se ridiculiser les organisateurs du Festival de la bande dessinée d’Angoulême qui ont trouvé le moyen de ne proposer que trente candidats mâles aux jurés de leur Grand Prix. Ces sexistes rétrogrades ne sont pas parvenus à dénicher une femme qui dessinerait en 2016 de la bande dessinée en France. Peuchère ! Pour les inciter à plus d’obstination l’année prochaine, nous avons décidé de consacrer cette chronique à une femme qui, en 1804, mettait les points sur les i. Avec Olympe de Gouges, 1789 était plus féministe que nous le sommes et l’exemple de sa contemporaine Fortunée Briquet pourrait nous mettre le rouge au front lorsqu’on songe à notre poussive parité. En 1797 déjà, Constance Pipelet (C. de Salm, 1767-1845) lançait son Épître aux femmes chez le libraire Desenne où elle attaquait bille en tête : « Dans tous les temps ont cherché à nous éloigner de l’étude et de la culture de beaux-arts ; mais aujourd’hui cette opinion est devenue une espèce de mode. »
Native de Niort (17 juin 1782) et dotée par les dieux d’une destinée de comète, Marguerite Ursule Fortunée Bernier Briquet va tenter d’y remédier. Elle avait 16 ans au moment de publier ses premiers bouts rimés, fables et épigrammes inspirés de Bernardin de Saint-Pierre dans l’annuel Almanach des muses du département des Deux-Sèvres dont elle épouse le directeur, H. A. Briquet : mariée trop jeune à un homme trop vieux, elle cesse d’écrire à 22 ans, divorce à 26 et meurt à 33. Son époux est un drôle de personnage : prêtre défroqué devenu professeur de Belles-Lettres à l’École centrale locale, il avait vingt ans de plus qu’elle et avait adopté « avec chaleur la cause de la Révolution. (…) Son zèle ne l’empêcha pas d’être arrêté, condamné à la déportation et incarcéré sur les pontons de Rochefort avec les prêtres insermentés. (il est) libéré le 5 germinal an III, pour venir s’établir à Niort (où il contracte) une union qui fut peu heureuse. Fortunée Briquet connut des succès flatteurs qu’elle dut autant à sa beauté qu’à ses œuvres. » (André Levieil, 1925).
Montée à Paris à l’occasion de ses premiers succès poétiques, elle est devenue l’amie de Fanny de Beauharnais et de la poète Anne-Marie du Boccage alors très âgée. Fortunée est rapidement la coqueluche des salonnards avec « son visage d’enfant un peu poupard, éclairé par les plus jolis yeux qu’on puisse rêver, encadré de la façon la plus mignarde du monde par deux longues boucles de cheveux tombant d’une coiffure à la grecque, par deux anneaux d’or plus grands à coup sûr que les mignonnes oreilles qui les supportent. » (H. Clouzot décrivant le portrait par Mlle de Noireterre, an X). Son œuvre tient sur les doigts d’une main : l’Ode sur les vertus civiles (1801), sa fameuse Ode à Lebrun, puis une Ode sur la mort de Dolomieu, précédée d’une notice sur ce naturaliste, et suivie d’une lettre du secrétaire de la classe de littérature et beaux-arts de l’Institut national de France et enfin une Ode qui a concouru pour le prix de poésie décerné par l’Institut national de France (1804). Mais dans l’article « Cabale littéraire » de l’Encyclopédie des connaissances utiles (1834), Hippolyte Dufey nous apporte des précisions sur la postérité de ces textes : « La cabale considérée (…) est l’unique et honteuse ressource de l’ambitieuse médiocrité, l’intrigue est son élément, son unique moyen, ses succès ne sont qu’éphémères, le temps et la raison publique font bonne et prompte justice de cette petite coalition plus hargneuse que solide. (…) on retrouve le même engouement, les mêmes prétentions, les mêmes manœuvres dans les coryphées de l’hôtel Thélusson. Les femmes y dominaient : que sont devenues ces célébrités si vantées ? On a oublié jusqu’aux noms des Muses de cette époque contemporaine : les noms de Constance Pipelet et de Fortunée Briquet ont disparu sous les décombres du théâtre de leur gloire. » Hippolyte est vachard, mais il est d’usage de dénigrer les femmes qui créent à l’instar de Balzac moquant les épigones George Sand dans La Muse du département (1837) et de Barbey cinglant le « bas-bleu » (1878).
Seulement, en 1804, Fortunée Briquet avait frappé un grand coup que l’on n’aurait pas dû oublier : dédié « au Premier Consul et Président », son Dictionnaire historique, littéraire et bibliographique des Françaises et des étrangères naturalisées en France depuis la Monarchie jusqu’à nos jours (Treuttel et Würtz). « Les sciences et les lettres comptent, parmi les écrivains français ou naturalisés en France, un assez grand nombre de femmes, depuis l’établissement de la monarchie jusqu’à nos jours, pour qu’il paraisse utile et agréable de les trouver réunies dans un Dictionnaire qui leur soit exclusivement consacré. Il est juste d’associer à leur gloire les Françaises qui se sont honorées par la protection qu’elles ont accordée aux gens de lettres. Cet ouvrage national n’existe point. J’ai osé l’entreprendre ; et c’est après quatre années de travaux que je le présente au public. » Et Fortunée la juste de chanter les louages de 562 femmes de culture, créatrices, mécènes ou militantes depuis Agnès de Poitiers jusqu’à l’académicienne romaine Caroline Wuiet. Naturellement, l’actualité du sexisme vient de susciter un projet de réédition rédempteur.
Éric Dussert

Femmes, femmes, femmes Par Éric Dussert
Le Matricule des Anges n°170 , février 2016.
LMDA PDF n°170
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