Écrasez l’infâme ! », c’est ainsi que le fanatisme religieux était conspué par Voltaire. Il restait pourtant déiste, comme Rousseau. Alors que d’autres philosophes des Lumières, Helvétius, d’Holbach, étaient résolument athées. On connaît le Dictionnaire philosophique portatif de l’auteur de Candide. D’Holbach lui répond avec sa Théologie portative, texte rare, judicieusement réédité et préfacé par Raoul Vaneigem.
Publié à Londres en 1768 sous un faux nom (l’abbé Bernier), l’exercice d’ironie est savoureux, percutant, ravageur : « saintes persécutions » et « saintes boucheries » emplissent l’Avertissement de l’auteur. De « Aaron » à « Zoroastre », ce n’est pas exclusivement le christianisme qui est visé : « Mahométisme. Religion sanguinaire dont l’odieux fondateur voulut que sa loi fût établie par le fer et par le feu. On sent la différence de cette religion de sang et de celle du Christ qui ne prêcha que la douceur, et dont, en conséquence, le clergé établit ses saints dogmes par le fer et par le feu ». S’attaquer à des cultes alors lointains permet de dévoiler par rebond la face torve du papisme.
Les brefs textes de ce « dictionnaire abrégé » témoignent de la culture étonnante de son auteur autant que de son humanisme au service de la liberté de pensée et d’action. Et d’une franche bonne humeur : « Amour. Le Dieu des Chrétiens n’est point galant, il n’entend pas raillerie sur le fait de l’amour ».
Fabrique d’illusion et outil d’asservissement, la religion ne bénéficie de guère d’indulgence de la part de l’essayiste. Tout juste pourrait-on reprocher à ce pamphlet un peu à l’emporte-pièce de négliger le pouvoir d’empathie, de pardon du clergé chrétien et sa contribution à la sphère artistique.
Thierry Guinhut
Essais Théologie portative
novembre 2015 | Le Matricule des Anges n°168
| par
Thierry Guinhut
Un livre
Théologie portative
Par
Thierry Guinhut
Le Matricule des Anges n°168
, novembre 2015.