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Dossier Brice Matthieussent
En lisant, en traduisant

février 2014 | Le Matricule des Anges n°150 | par Thierry Guichard

Entré dans l’édition très jeune comme lecteur, puis traducteur et plus tard directeur littéraire, Brice Matthieussent a longtemps attendu avant de signer ses premiers romans. Et franchir une frontière.

N’en déplaise aux clichés médiatiques : vêtir un gilet pare-balles n’est pas absolument indispensable pour se rendre dans les quartiers nord de Marseille. Du moins pour venir rencontrer le jeune romancier aux deux cents livres, Brice Matthieussent. Et s’il faut éclairer les paradoxes disons ceci : à 64 ans, notre hôte déploie une silhouette de fringant sportif (ce qu’il nie être). Jeune romancier, il l’est puisque Good Vibrations qui paraît en ce début 2014 n’est que son deuxième roman. Vengeance du traducteur avait signé en 2009 une entrée fracassante dans la communauté des romanciers, le franchissement de la ligne (thème de ce premier opus) qui sépare la note du bas de page réservée au traducteur du texte proprement dit. Deux romans seulement à ce jour. Pour autant, la bibliographie de Brice Matthieussent affiche plus de deux cents titres à son actif : des livres qu’il signe en tant que traducteur, l’un des plus réputés du monde de l’édition hexagonale. C’est à lui, en effet, que l’on doit de lire en français des œuvres signées Jim Harrison, Bret Easton Ellis, John Fante, Robert McLiam Wilson, Thomas McGuane, Paul Bowles, Charles Bukowski, pour n’en citer que quelques-uns.
Pour accéder à sa demeure, il faut gravir une des premières collines de Marseille. Est-on encore dans la cité ? Maisons avec jardin, voies sans issues, les rues semblent faire la jonction entre la mer et le ciel (qui selon Bernard Noël, il est vrai, « commence à ras de terre »). Cela fait dix ans que Matthieussent vit là dans cette maison au bout d’un jardin construit en terrasses. On domine la cité, la mer, les gros paquebots à quai. C’est une vue splendide qu’on embrasse à une altitude proche de celle de la Bonne Mère qui, un peu plus à l’Est, veille sur l’OM, la Canebière et les frères de la côte.
Pour rassurer son interlocuteur, Brice Matthieussent avoue que de temps en temps, son vis-à-vis aime à tirer au 357 Magnum dans son salon. Mais à part ça, quiétude, calme et volupté. La maison marie sur ses murs peintures et livres. Les bibliothèques font parfois office de cloisons, elles courent sur chaque étage jusqu’au bureau de notre hôte où ce sont surtout des livres d’art et de photographie qui dominent. Sur la droite de la table de travail, à côté du Mac trônent quelques dictionnaires anglais-français. Le romancier a toujours un chantier de traduction en cours.
Avec Vengeance du traducteur (2009) Brice Matthieussent signait une métamorphose aussi vindicative que ludique : sur le mode abyssal des poupées gigognes, un traducteur escamotait le texte d’un écrivain qui mettait en scène une histoire de traducteur et de romancier. Chausse-trappes, érotisme, énigmes, couloir secret. La revendication du traducteur Matthieussent — ne plus suivre les pas des autres, ouvrir la voie et mettre son nom au fronton du livre – s’accompagnait d’une liberté jubilatoire du romancier Brice.

« Bukowski, je n’ai jamais eu besoin d’ouvrir le dictionnaire pour le...

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