Œuvres autobiographiques complètes (Tome 1)
Œuvres autobiographiques complètes (Tome 2)
Bien plus qu’un retour vers le passé, les quatre volumes de souvenirs que publie, coup sur coup, Cendrars – la tétralogie que forment L’Homme foudroyé (1945), La Main coupée (1946), Bourlinguer (1948) et Le Lotissement du ciel (1949) – sont un retour à l’écriture autant qu’un retour de l’écriture. Après les premiers poèmes des années 1910 (Les Pâques, La Prose du Transsibérien, Le Panama ou les Aventures de mes sept oncles) et les grands romans des années 1920 (L’Or, Moravagine, Le Plan de l’Aiguille et Les Confessions de Dan Yack) Cendrars est à la recherche d’un renouveau. Il est grand reporter jusqu’en 1939, puis correspondant de guerre dans la Force expéditionnaire britannique en France avant de se retirer à Aix-en-Provence, incapable d’écrire. Mais le 21 août 1943, après une visite d’Édouard Peisson – qui lui a raconté comment l’officier allemand qu’on a logé chez lui est venu, la veille au soir, l’inviter à regarder une éclipse de lune avant de gagner sa chambre « avec une grue invraisemblable qu’il avait ramenée de Marseille » –, Cendrars prend feu et se remet à écrire.
Cet occupant qui viole la retraite d’un écrivain a réveillé de vieux souvenirs, ravivé de vieilles braises. « Écrire c’est brûler vif mais c’est aussi renaître de ses cendres. » Le renouveau ne peut que passer par un retour vers les origines de son nom et de son écriture. C’est ainsi que son vieux projet de livre sur Villon va trouver sa forme et devenir le volume introducteur de la tétralogie. Après une Lettre dédicatoire justifiant le projet, Sous le signe de Villon accueille trois récits qui sont une sorte de biographie du biographe. Villon n’est pas un modèle mais le miroir dans lequel Cendrars peut s’interroger. Villon, c’est lui avant, nouvel avatar du poète, car le don de poésie transmigre. Une pratique magique de l’autobiographie, relevant d’un imaginaire très nervalien de la métempsycose, dont Cendrars va faire la figure motrice de ses Mémoires, qui « sont des Mémoires sans être des Mémoires ».
Sous le signe de Villon raconte la façon dont un jeune homme découvre ce mystérieux don de poésie dont il a été comblé à son insu. Défilent alors bien des épisodes qui nourriront la légende de Cendrars : la fugue qui conduira en Russie Frédéric Sauser, né à La Chaux-de-Fonds, en Suisse, le 1er septembre 1887 ; le père, inventeur malheureux, « bon gros jouisseur sentimental », et la mère, neurasthénique, qui lui aura appris à lire mais n’aura jamais répondu à sa demande d’amour ; ses grands voyages avec Rogovine, son « patron » ; la nuit du 1er septembre 1917, à Méréville : « J’avais 30 ans, je vivais dans une grange abandonnée dont j’avais démantibulé la porte pour m’en faire une table à écrire (…). Je me mis à écrire comme un inspiré, de la main gauche, d’une traite, et sans une rature, et sans avoir à chercher les mots ». Une plongée dans un passé revisité, réorganisé à partir d’éclats recomposés « en nouvelles unités de sens symboliques » (C. Leroy). Cette...