Les liens entre les nazis et le Tibet, l’hypothétique existence de brigades tibétaines de la SS, l’arrière-plan du nouveau roman de Jean-Marie Blas de Roblès avait de quoi séduire. Il y manque hélas ce trouble infini dont naît la littérature, cette petite folie magnétique, cette sorte d’exactitude dans l’improbable qui faisaient tout le charme et toute la force de Là où les tigres sont chez eux (prix Médicis 2008, voir Lmda N°96). Ici tout manque d’envergure, à commencer par le personnage principal, Bastien, vieux gardien d’un collège jésuite, dont la passion pour le Tibet et les mandalas ne sont que les miroirs reflétant les errements. Un solitaire dont l’étrangeté séduira Rose, sa nouvelle voisine. Attirée par l’Orient et l’aventure au féminin, elle accompagnera Bastien au Tibet, où il lui servira d’« audioguide vivant », tout en réalisant son rêve secret.
Une relation où vérités et mensonges s’entrecroisent, dessinant un labyrinthe dont la chambre magique a moins de valeur que l’errance et les divagations qui permettent de s’en approcher. Un parcours dont les différentes stations recoupent ces sommes d’erreurs qui font une vie, nous rappellent qu’« entre dire et ne pas dire, il existe une troisième voie », qu’un vrai pour un faux donne presque toujours du vraisemblable, et que « les coïncidences n’existent pas, il n’y a que des rencontres nécessaires ».
Beau sujet donc, mais s’il y a l’émotion, il n’y a pas sa véritable interprétation, et rien qui tienne d’une véritable opération de désenvoûtement. Car il y avait là matière à une entreprise de démystification de ce bricolage théosophique – mélange de bouddhisme de bazar et d’occultisme, d’histoire et de fiction, de légendes colportées et de tripatouillage mystique – faisant du Tibet l’aire occulte ou la source magique d’une puissance luciférienne. Mais cette opération ne prend jamais forme, les quinze dernières pages se contentant seulement de verser au dossier une série de pièces révélatrices. Au total, un roman hanté par les vérités qui arrangent et par les aveuglements propres aux « machines à déraisonner », mais un roman qui laisse le lecteur sur sa faim.
Richard Blin
La Montagne de minuit
Jena-Marie Blas de Roblès
Zulma, 176 pages, 16,50 €
Domaine français La Montagne de minuit
novembre 2010 | Le Matricule des Anges n°118
| par
Richard Blin
Un livre
Par
Richard Blin
Le Matricule des Anges n°118
, novembre 2010.