Juste la place pour une table, deux bibliothèques et un sofa : le bureau d’Emmanuelle Collas ressemble à la cabine d’un bateau. « Je suis comme un capitaine qui a sa feuille de route, son équipage, mais qui n’est pas maître de tous les aléas », sourit celle qui, étudiante, voyageant au long cours, rêvait de rencontrer le marin de Gibraltar cher à Marguerite Duras. Dans l’autre pièce, Cécile, Benoît et Romaric sont sur le pont. L’œil pétille : la jeune femme s’enthousiasme devant La Terre, le feu, l’eau et les vents, une anthologie poétique du monde entier conçue par édouard Glissant, qu’elle publie ce mois-ci. Le titre lui va bien : il dit l’ardeur, le multiple, la croisée des langages, la promesse d’autres horizons.
Après une expérience à la librairie Ruat, à Versailles, que tenait la grand-mère de Denis Podalydès, Emmanuelle Collas s’initiera pendant ses études à l’édition (Vuibert, revue Archéologia) avant d’intégrer l’université en 1990. Maître de conférence en histoire grecque, cette spécialiste de l’Orient romain connaît parfaitement le bassin méditerranéen. « J’ai eu un coup de foudre pour la Turquie pendant ma thèse. » Et travaillera dix ans sur des chantiers archéologiques en Anatolie.
Emmanuelle Collas parle de son « appétit à découvrir », de « challenge ». Évoque l’historien et anthropologue Jean-Pierre Vernant, la revue Le Serpent à plumes, les collections « Terre humaine » ou « La librairie du XXIe siècle ». Autant de boussoles qui renseignent sur la nature de Galaade, maison qu’elle crée avec son compagnon en 2005. Il s’agit d’un catalogue ouvert principalement aux romans et aux essais : de Maurice Olender à Greil Marcus, de Victor Leduc à Alain Fleischer (et ses textes sur le cinéma et la photographie). La fiction s’écrit ici au-delà des frontières, du Proche-Orient à l’Amérique (Gore Vidal), de l’Espagne (Juan José Millás) à l’Allemagne (Ursula Hegi) ou à Zanzibar (Abdulrazak Gurnah). Avec de fortes découvertes comme l’Israélien Yoel Hoffmann (Bernhard) ou le Turc Murat Uyurkulak (Tol). Un catalogue de « funambule », résume-t-elle, soutenu par le joli succès d’un auteur, Irvin Yalom, « guérisseur des cœurs brisés ».
Dans quel état d’esprit avez-vous créé Galaade ?
J’enseignais l’histoire grecque depuis dix ans à Strasbourg et à Mulhouse. Ma thèse portait sur les relations entre l’empereur et les cités d’Orient. J’avais envie d’une respiration, de pousser un peu les murs… Je me suis donc mise en disponibilité de l’université. Disponibilité que je renouvelle tous les trois ans. Galaade a démarré avec un apport de 100000 € et un emprunt garanti par l’IFCIC. Je voulais investir dans les auteurs, dans les traductions, pas dans les tables et les chaises. Mon idée était précise : aller voir ce qui se passe ailleurs, s’ouvrir à d’autres littératures, travailler à la fois sur la fiction et la non-fiction. Croiser les deux. Le roman et l’essai me stimulent autant. Je vais de l’un à l’autre : l’un me...
Éditeur Croiser les chemins
Historienne de formation, Emmanuelle Collas lançait en octobre 2005 les premiers livres de Galaade éditions. Un catalogue qui fait la part belle à l’essai, à la fiction, à la poésie. Une chambre d’échos nourrie par la multiplicité des langues.