Simultanément à la nouvelle traduction (revigorante) que donne Frédéric Boyer des Confessions de Saint Augustin (retitrées Les Aveux), l’auteur publie un court texte où la part animale, autant que son versant singulier, est interrogée par la figure des Vaches. Il ne s’agit pas à proprement parler d’un exercice de style, mais plutôt d’un ensemble méditatif, sorte de petit traité, où une véritable éthique s’élabore. La vache est ici l’archétype du rapport, devenu industriel, qu’entretiennent les hommes avec les bêtes élevées à des fins de consommation. Ce n’est donc pas la bête sauvage, et laissée à sa sauvagerie initiale, dont il s’agit, mais ce qui dans les espèces similaires à celles des vaches reste attaché, selon la 8e Élégie de Rilke, à l’ouvert par quoi toute bête est privée d’accès au passé comme à l’avenir. La vache a, malgré sa domestication, « toujours sa fin derrière elle/ et Dieu devant ; lorsqu’elle marche,/ elle va d’un pas éternel, comme s’écoulent les fontaines » (Rilke), elle ne fera jamais le mal. Là réside la douceur de son regard et l’infini où il se perd. Si « aucun être sur terre n’est aussi temporaire ni aussi transitoire qu’une vache », si elles sont « les premières à mourir », il n’y a alors « aucune raison de supposer que le type d’existence que nous associons à la notion de »personne humaine« soit réservé aux humains. Il peut désigner l’ensemble des vivants qui ont le sens de la durée et de la souffrance. Le type d’existence que nous associons à la »personne humaine« ne doit pas, ne peut en aucun cas servir de prétexte au massacre raisonné des vaches » écrit Frédéric Boyer. Ni non plus à penser qu’elles sont « pauvres en monde » (Heidegger), là où nous en serions riches. Parions plutôt qu’elles seront, au jour du jour, « sacrées dans l’existence collective et machinale ». Sacrées, comme l’âne Balthazar, « dans le repos indistinct de toute espèce sous les eaux de la pluie. C’est alors qu’en pleurs nous les appellerons dans les bois, dans les prés, dans notre ciel vide ».
Vaches de Frédéric Boyer, P. O. L, 62 pages, 10 €
Poésie Paroles aux animaux
mars 2008 | Le Matricule des Anges n°91
| par
Emmanuel Laugier
Un livre
Paroles aux animaux
Par
Emmanuel Laugier
Le Matricule des Anges n°91
, mars 2008.