Si j’ai une âme « , premier roman audacieux de Vincent Peyrel, pourrait n’être qu’un conte cruel transcendant l’instinct de prédation…
De gare en gare, Hans, un jeune éphèbe de 17 ans à l’ « allure de prince de contes », poursuit sa quête de partenaires sexuels dans le but d’assouvir une irrépressible « envie de baiser ». Le mardi 7 novembre 1919, assis devant la gare d’Hanovre, il rencontre Frédéric, un quadragénaire qui, couvert par la police, s’adonne à la délation et au marché noir. Installés dans un petit appartement de la Neuestrasse, Hans et Frédéric vivent librement, l’un rangeant l’autre cuisinant, jusqu’au jour où, le 23 juin 1924, les flics font irruption. Des os « mal enterrés » ont été découverts dans le parc du château Herrenhausen…
Depuis sa cellule de prison, Hans recense ses passages à l’acte, ainsi que ceux, en plus grand nombre, de Frédéric qui, historiquement, n’est autre que Fritz Haarman, le » boucher d’Hanovre ". Si j’ai une âme se réfère à un fait divers notoire tout en n’excluant pas l’apport de l’invention. Si Fritz Haarman fut guillotiné en 1925 pour le viol et le meurtre de 24 jeunes hommes dont il buvait le sang et mangeait les chairs, Hans Grans fut jugé mais non incriminé. En faisant d’Hans à la fois le complice fasciné et l’ultime victime de Frédéric, Vincent Peyrel parvient à donner une incontestable densité à son récit.
« Comment les hommes peuvent-ils croire qu’ils ont des droits ? », voilà, entre autres questions, ce que se demande celui qui se sait condamné et qui, en toute innocence, avoue être incapable de penser en termes de bien ou de mal. Ainsi, entre Les Exclus d’Elfriede Jelinek et Miracle de la rose de Jean Genet, Si j’ai une âme, au moyen de la syntaxe rudimentaire et obsédante d’Hans, pose des vérités simples que d’aucuns s’obstineront toujours à ne pas entendre : « Un tribunal qui condamne quelqu’un à mort tue aussi. C’est peut-être stupide de penser quelque chose d’aussi simple mais c’est comme ça. Je ne suis pas quelqu’un de compliqué. Tuer pour venger une mort. Ça peut sembler juste. Pourquoi est-ce qu’on ne dévalise pas ceux qui ont volé ? Ça me dépasse. »
Si j’ai une Âme de Vincent Peyrel, L’Amourier, 132 pages, 16 €
Domaine français Hans et le Boucher
janvier 2008 | Le Matricule des Anges n°89
| par
Jérôme Goude
Un livre
Hans et le Boucher
Par
Jérôme Goude
Le Matricule des Anges n°89
, janvier 2008.