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Poésie Le goût de vivre

novembre 2007 | Le Matricule des Anges n°88 | par Lucie Clair

Réédition du recueil posthume de René Guy Cadou, éloge aux gens aimés et « aux biens de ce monde » - en une parousie vibrante de clarté.

Hélène ou le règne végétal

Un peu moins qu’un oublié mais trop souvent encore relégué dans les franges de la mémoire, René Guy Cadou est connu d’un cénacle, publié par quelques-uns, réveillé d’entre les ombres par ceux qui l’ont aimé1, ou d’autres qui le découvrent par ses poèmes sans l’avoir rencontré - et dans ces parutions qui s’égrènent en fidélité, Hélène ou le Règne végétal occupe une place à part. Aimer Cadou, c’est sans cesse y revenir, car en ce recueil dense et limpide se dévoilent sa voix la plus intime, et pour le lecteur, l’expérience rare d’être touché par le trouvère et accueilli par l’homme. Le Règne végétal est autant « un monde fugace, inaccessible comme un feu d’herbes et tout environné de maléfices » qu’un regard porté sur lui-même. « Celui qui entre par hasard dans la demeure du poète/ Ne sait pas que les meubles ont pouvoir sur lui » : des « mystérieuses palabres » qui président à l’acte d’écrire, Cadou se fait passeur et témoin, en extrême humilité : « la parole m’a été accordée par surcroît ». Ce qui n’exclut pas l’humour lorsqu’il s’agit de se connaître, ainsi ce « portrait fidèle » : « Mon orgueil à moi ce serait/ D’être entré en littérature/ Plus interdit qu’un roitelet/ Par un trou méchant de serrure ! »
En 1943, René Guy Cadou a déjà publié la plupart de son œuvre. Il a 22 ans, six recueils à son actif - le premier Les Brancardiers de l’aube paraît pour ses 17 ans - et, avec les fondateurs de l’École de Rochefort en 1941, il a pris sa franchise des influences surréalistes. Ayant adopté le métier de son père décédé trop tôt, instituteur suppléant, il parcourt les pays de Loire au gré de ses affectations. La rencontre d’Hélène cette année-là lui ouvre les arcanes d’une épiphanie. Jusqu’à sa mort en 1951, ses derniers poèmes, dotés d’une réceptivité peu commune et rassemblés ici, se déploieront sous l’empreinte de cet amour médiateur. « D’un vol très simple et doux », vivre est aimable : « pays dispersés dans le vent » et « nasse de blés », les amis, les admirés (Apollinaire, Essenine…), bêtes sauvages et oiseaux donnent à « chanter la joie étonnamment lucide », joie dansante en agapê - cette tendresse que les Grecs nous ont léguée - dans le mouvement premier de ce mot, la communion en fraternité qui « délivre un permis sur le réseau dangereux de la beauté. »
Certes, la gloire de ce Règne advient par Hélène, épouse et fibre de sa mémoire, et, ainsi que nous le rappelle dans sa postface Luc Vidal - éditeur du CD qui accompagne le recueil - « Max Jacob disait que Cadou était tout amour. Le poète pensait lui-même que l’amour rendait sauf. » Mais, ni mièvre, ni suave - même s’il fait peu usage des lances de l’Éros - sa poésie ne saurait se concentrer sur un seul être ou laisser croire par romantisme qu’une personne suffit à transfigurer notre vision. C’est une autre voix qui l’a choisi et qui l’anime - celle de l’ange, parabole de la jonction du ciel et de la terre, de sa foi christique et son inspiration orphique : « je n’ai pas écrit ce livre. Il m’a été dicté au long des mois par une voix souveraine et je n’ai fait qu’enregistrer, comme un muet, l’écho durable qui frappait à coups redoublés l’obscur tympan du monde. »
En harmonie avec une certaine idée du firmament, Hélène ou le Règne végétal est aussi une offrande à la bonté d’être au cœur des événements, même les plus infimes, et de conserver au seuil de la mort, tel un joyau, l’esprit et la célébration du vivant. « Dur à vivre » et « Nocturne », deux poèmes des derniers moments - « ces petites gares ombragées sur le réseau de la souffrance » - vont bien au-delà de la nostalgie d’un homme qui se sait mourir bientôt. À cela, Cadou n’oppose rien, sauf la délicatesse et la justesse de ses métaphores, doigts magiques de l’entendement du monde, l’effleurant, « pour délivrer soudain mille peuples d’abeilles ».

1Michel Manoll, René Guy Cadou (Seghers, 1954, réed. 2001) ; Hélène Cadou, Une vie entière : René Guy Cadou, la mort, la poésie (Le Rocher, 2003)

Hélène ou le Règne végétal
René Guy Cadou
Accompagné d’un CD « Môrice Bénin chante Hélène ou le Règne végétal »
coédité par les éditions du Petit Véhicule Seghers
237 pages. 16

Le goût de vivre Par Lucie Clair
Le Matricule des Anges n°88 , novembre 2007.
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