Si Thomas Glavinic n’est pas le premier à user de ce thème, on est toujours curieux de voir comment l’auteur va l’illustrer, voire le résoudre… Dans un monde intact, un homme découvre qu’il est le seul survivant d’une humanité totalement disparue. Il faut croire que cela répond à une angoisse profonde qui nous est commune : celle de l’abandon le plus absolu. Ainsi, l’identification fonctionne à plein et nous suivons avec inquiétude, sous le fouet d’un suspense toujours irrésolu, les tribulations du personnage se heurtant à l’absence de ses semblables, au silence des téléphones et des télévisions, au désert du zoo de Vienne. Jusque-là Glavinic n’innove guère. Mais il parvient à imprimer sa marque à ce fantastique hautement fascinant lorsque Jonas, son anti-héros, poste des courriers sans espoir, truffe la ville de caméras pour tenter d’enregistrer une présence, ou se défoule en détruisant des vitrines. Il fouille l’appartement et la cave de son père, compulse les objets et les photos de son enfance. Probablement s’agit-il de l’image d’un fantasme, d’une psychose : « Il aurait voulu être un survivant. Voulu être un élu. Il l’était à présent. » Lorsque, filmant son propre sommeil, il croit entendre des cris, percevoir des images étranges… S’agit-il de somnambulisme ? Parcourant l’Europe à la recherche de Marie, sa petite amie partie en Angleterre, il ne fait qu’accentuer le tragique de son isolement. Il dormira dans son lit vide, reviendra en Autriche pour constater que seuls les squelettes des morts sont restés. Malgré l’absence de retournement de situation, Glavinic aura su animer de mille péripéties son odyssée solitaire et dépressive.
Le Travail de la nuit de Thomas Glavinic
Traduit de l’allemand (Autriche) par Bernard Lortholary, Flammarion, 346 pages, 21 €
Domaine étranger Seul face au monde
septembre 2007 | Le Matricule des Anges n°86
| par
Thierry Guinhut
Un livre
Seul face au monde
Par
Thierry Guinhut
Le Matricule des Anges n°86
, septembre 2007.