Quelques clichés tenaces collent à l’image de la Sicile. L’île serait totalement gangrenée par la mafia et la corruption. On tuerait en pleine rue pour un mot de trop. Roberto Alajmo reprend à son compte, mais au second degré, quelques-unes de ces idées reçues dans cette farce policière. L’intrigue débute par un constat amer : « La belle époque de la famille Ciraulo est finie ». Tancredi, 20 ans, le fiston, attend tristement son destin « assis sur l’abattant des W.C. » Il vient de tuer son père. Tout ça à cause d’une rayure sur la voiture flambant neuve du pater familias. L’ensemble du premier chapitre, dans lequel Tancredi assiste à l’arrivée de la police enfermé dans sa salle de bains, est un enchantement tragi-comique. Et le reste suit. Mais avec quel argent les Ciraulo, qui vivotent de petites combines, ont-ils pu payer l’auto ? Avec la somme versée par l’État pour « l’indemnisation des victimes de la Mafia ». Il y a peu, en effet, la petite Serenella Ciraulo est morte, victime d’une balle perdue. Deux factions rivales, dont l’une est liée aux Ciraulo, ont rejoué les fusillades du Parrain au bas de l’immeuble. L’argent est maudit, dit la mère et comme chacun sait « Aux petits, on n’y touche pas. Ce sont des erreurs qui se paient, d’une façon ou d’une autre ». Dans ce livre, on parle beaucoup, mais on se confie peu. Les mots « ne disent rien, mais si on les écoute avec malice, ils peuvent avoir l’air de faire référence à quelque chose d’autre ». C’est ce que pense la police qui met la pression sur les Ciraulo. Les enquêteurs sont aussi siciliens : on ne les abuse pas si facilement avec une version des faits qui ne colle pas et des silences pesants. Tout l’art de Roberto Alajmo consiste à faire parler les points de suspension : un métalangage dans lequel le lecteur se perd avec bonheur.
Fils de personne de Roberto Alajmo
Traduit de l’italien par Danièle Valin
Rivages, 211 pages, 20 €
Domaine étranger Sac d’embrouilles
juillet 2007 | Le Matricule des Anges n°85
| par
Franck Mannoni
Un livre
Sac d’embrouilles
Par
Franck Mannoni
Le Matricule des Anges n°85
, juillet 2007.