Passionnés d’histoire, et particulièrement celle qui porte sur la Méditerranée médiévale, Frantz Olivié et Charles-Henri Lavielle ont inventé une drôle de machine éditoriale à remonter le temps. Les deux larrons, accompagnés d’une petite escouade d’érudits, ont fait le pari de défendre les cultures, dites classiques. Sous des jaquettes soignées et colorées, se révèlent leurs goûts pour le déroutant et le pittoresque, l’inexploré et l’étrange : des romans de chevalerie, des récits d’aventures, des sagas scandinaves, des épopées. Il faut une bonne dose d’insouciance ou d’audace à présenter des traductions du grec, du vieux russe, du latin, à jouer à saute-mouton avec les continents et les siècles. Là, la prise de Thessalonique ou la fondation de l’Australie coloniale, ici l’odyssée d’une nef vénitienne échouée au large de la Norvège, ou encore le récit sur les Almograves, ces mercenaires catalans et aragonais, inventeurs de la guérilla, qui mirent à feu et à sang Byzance. Il faut aussi du flair : la publication des incroyables Carnets de campagne de Michel Millet, homme de troupe, qui combattit en 1878 l’insurrection kanak en Nouvelle-Calédonie, l’atteste. « Enfant, j’ai vécu à Nouméa, parfois au sein de tribus, explique Frantz Olivié. Ça m’a donné une certaine curiosité. Et ce que j’ai vécu est différent de ce que racontent les livres d’anthropologie. Il y a toujours une simplification dans la fabrication de l’altérité ».
Le projet est né en 2000 à Toulouse. Frantz Olivié suit une formation au Cecofop de Nantes pour apprendre le métier. Et enchaîne les expériences (Le Rocher, Maisonneuve et Larose…) Les premiers titres d’Anacharsis sortent en juin 2002. L’année qui suit, il quitte son poste de chef de fabrication à L’Aube pour s’atteler avec Charles-Henri à un chantier colossal : l’édition complète de Tirant Le Blanc, « premier roman moderne européen » qui faisait tant l’admiration de Cervantes près de 1000 pages, deux millions et demi de caractères, 30 000 € de traduction, et une préface de Vargas Llosa. « On a obtenu toutes les aides possibles. » Aujourd’hui, chacun de leurs livres est subventionné à hauteur de 30 % environ. Par exemple, le domaine hellénique est généreusement soutenu par la Fondation Onassis…
Le catalogue ne cesse d’évoluer. Il y a deux ans naissait la collection « Fictions », accueillant le Nobel islandais Laxness, le jeune romancier Charlie Galibert, et tout récemment Alberto Ongaro (un proche d’Hugo Pratt) et sa Taverne du doge Loredan, rencontre épique et labyrinthique de Casanova avec Borges.
Chez Anacharsis, façon de tordre le cou aux idées reçues, le sérieux n’empêche pas le dilettantisme joyeux. La principale collection, « Famagouste », « franchement bordélique », est un hommage à cette ville de Chypre, réputée au Moyen Âge pour ses maisons de plaisir. Et quand le duo délaisse un temps Byzance, c’est pour mieux investir d’autres aires : Charles-Henri pratique le rugby (à Toulouse), et Frantz le...
Éditeur L’appel du lointain
juillet 2007 | Le Matricule des Anges n°85
| par
Philippe Savary
Maison d’édition au long cours, Anacharsis, du nom de ce barbare éclairé, explore l’inexploré à travers des littérature anciennes et voyageuses.
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