La Mer gelée N°4 (Perdre, bilingue allemand)
Ce qu’il y a de bien avec La mer gelée, c’est son côté pluridisciplinaire : le N°3 avait donné le ton, entremêlant les poèmes expérimentaux du Toulousain Serge Pey sur la torture électrique à des entretiens à la lisière de la sociologie sur les effets dévastateurs de la prison dans la constitution identitaire. En quelques pages donc, le lecteur voit défiler articles critiques et cahiers de création, prose et poésie. C’est que la revue franco-allemande a pour vocation le rassemblement. Fondée en 2000 à Dresde, elle s’est d’abord développée uniquement sur internet dans le but de favoriser l’échange de textes. L’ensemble des écrits de La mer gelée est présenté dans les deux langues, comme s’il s’agissait de créer un patrimoine culturel commun un espace intermédiaire où la langue n’est plus une barrière. Passée sur papier en 2004, la revue poursuit son entreprise de réunification (sans mauvais jeu de mot) artistique. À ce jeu-là, la nouvelle livraison convainc, tant le champ d’investigation y est vaste. Les illustrations de Michael Kutsche sortent du lot, par la consistance outrancière de leur réalisme et l’imagologie corporelle tourmentée qu’elles mettent en scène. De corps toujours il est question à travers l’essai philosophique de Jean-Pierre Faye sur le concept fondamental « d’activité de noyau » chez Bataille. Et à chaque fois, d’un article à l’autre, la même aura sulfureuse. Un non-conformisme qui se retrouve dans l’édito dont l’allure pittoresque rappelle la narration des vieux films de l’âge d’or du cinéma.
La mer gelée N°4, 153 pages, 10 € - www.lamergelee.com